CH d’Eaubonne : des urgences dans l’air du temps

Régulièrement décriés pour leur engorgement, les services d’urgence s’essaient depuis quelques années à la transparence afin d’apaiser les tensions par l’explication. Depuis six mois, l’Hôpital Simone Veil-Groupement Hospitalier Eaubonne-Montmorency  calcule, selon les secteurs de soins, le temps médian du premier contact médical afin d’indiquer celui de l’heure précédent l’affichage, faisant de son service une unité bien de son temps.

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Si, d’après Voltaire, « le temps adoucit tout », celui apparemment perdu dans une salle d’attente serait plutôt de nature à exaspérer, et plus encore aux urgences où douleur et inquiétude constituent un cocktail potentialisateur. Or, ces situations sont délétères pour tous, le patient et ses proches bien sûr, dont le stress initial ne peut que s’en trouver majoré, mais également les personnels, sursollicités par les plus impatients, voire interpellés quand ce n’est pas invectivés.

À défaut de pouvoir réduire ces délais de prise en charge, l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne (quelque 150 patients par jour – Groupement Hospitalier Eaubonne-Montmorency) s’attache donc, depuis septembre 2023, à en minorer au moins le ressenti par l’affichage continu de ses flux d’attente selon les secteurs de soins.

Modifier le ressenti du temps subi

« Certes, comme le stipule explicitement la certification de la HAS, le patient doit recevoir une information claire et adaptée sur les modalités de sa prise en charge. Mais aux urgences, l’injonction se révèle un véritable défi pour l’infirmier.e d’accueil et d’orientation qui, en moins de 5 minutes, doit évaluer la personne, lui attribuer un niveau de priorité et l’orienter avant de l’informer du temps d’attente estimé dans sa filière de soins », avance le chef de service des urgences et SMUR de l’établissement, Maxime Gautier.

« Il fallait donc trouver un support pertinent pour compléter cette intervention pédagogique et transformer le temps, subi de manière passive, en attente dynamique » poursuit-il. Profitant de la rénovation de la salle d’attente des urgences, un grand écran digital y prend donc désormais une place centrale, interconnecté aux services informatiques qui, de leurs côtés, se sont attelés au développement de l’outil en interne.

Le pari de la transparence

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Faut-il donner les temps réels ou normés ? Les valeurs devront-elles être calculées sur l’exercice d’une journée à horaire équivalent ou au plus près de la réalité ? Le temps d’attente sera-t-il celui passé avant de voir l’infirmier ou le médecin ?… Si la communication du délai d’attente diffuse peu à peu dans les mœurs hospitalières, poussée par des patients de plus en plus en quête d’immédiateté, le choix des paramètres qui en bâtissent le calcul est variable en fonction des sites et – disons-le – de la crainte plus ou moins marquée des professionnels à dévoiler des délais potentiellement dissuasifs ou irritants.

À Eaubonne, « le pari sera toutefois celui de la transparence afin de répondre le plus précisément possible aux préoccupations des visiteurs », explique la cadre supérieure de santé du service des urgences et du SMUR, Jennifer Come. Seule concession à la psychologie du receveur : « à partir de la première heure enregistrée, convertir les mesures en format horaire afin d’éviter l’addition des minutes », glisse le chef de service.

À l’heure des résultats

Ainsi les estimations sont-elles ici calculées sur le temps médian compris entre l’arrivée et le premier contact médical dans la dernière heure écoulée, cela pour chacune des filières majeures : courte, longue et traumatologique. Et, pour parer tout malentendu, un avertissement bien visible cadre le process de manière très explicite   : « L’ordre de prise en charge […] dépendra du niveau de gravité » et « En cas d’afflux soudain […], ces estimations ne seront pas fiables. »

Résultat ? Ça marche : « le tableau, ainsi rafraîchi chaque heure, s’est rapidement mué en un outil d’interaction très intéressant, éclairant les uns sur les raisons jusqu’alors incomprises des délais d’attente et redonnant aux autres du temps pour soigner », assure le docteur Gautier, qui envisage de le dupliquer maintenant dans la zone d’attente couchée.

Une question de temps…

Ce n’est d’ailleurs qu’un début… Alors qu’il devrait prochainement s’enrichir de pages plus « pédago-ludiques » sur le fonctionnement d’un service d’urgences, l’affichage eaubonnais, déjà reproduit sur le site d’Argenteuil, a également tapé dans l’œil du Sesan, Groupement régional d’appui au développement de l’eSanté (GRADeS) d’Île-de-France.

Par ailleurs, couplé à une nouvelle solution digitale capable d’assurer un suivi complet du patient en temps réel, il pourrait même, demain, informer parallèlement les familles des différentes étapes de prise en charge de leur proche. Pour un coût d’investissement minime, le calcul et la communication des délais d’attente se voient ainsi devenus des leviers importants pour l’amélioration de la qualité – et de la qualité de vie au travail – du service. Il suffit juste pour cela de donner un peu de temps au temps.

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