achat-logistique.info : Du 29 au 31 mai auront lieu les 64èmes Journées d’études et de formation des ingénieurs hospitaliers. De quelles évolutions majeures du métier leurs ateliers sont-elles le constat ?
Bruno Cazabat : « Il y a certes quelques sujets nouveaux comme « l’hôpital volant », mais surtout des sujets anciens abordés sous un angle nouveau ! L’énergie en est un des meilleurs exemples : vouloir réduire les dépenses énergétiques d’un établissement n’est certes pas une préoccupation récente, mais le faire aussi dans un souci de responsabilité environnementale emporte de toutes nouvelles approches.
Alors que les objectifs de la loi Elan visent à réduire la consommation d’énergie finale des bâtiments d’au moins 40 % en 2030, qui pourrait en effet imaginer demain un site hospitalier sous-chauffé ou, a contrario, une de ses chambres qui ne soit pas rafraîchie en période estivale ? »
achat-logistique.info : Quelles en sont les répercussions concrètes pour l’ingénieur hospitalier ?
Bruno Cazabat : « Au-delà des écogestes relevant de la responsabilité de chacun, le professionnel doit donc désormais innover dans la gestion même de la thématique, en investissant sur des équipements différents (stockage de froid, géothermie…), en optimisant les réglages à l’aide d’outils toujours plus perfectionnés (IA notamment) fondés sur une data toujours mieux maîtrisée ou encore, bien sûr, en construisant autrement, à l’appui d’éco-matériaux et/ou dans le souci d’une conception bioclimatique. Relamping, bâtiments de bois ou en paille, chambres écoconçues… Le monde évolue rapidement, le changement est visible pour tous et les ateliers de Tours seront l’occasion de partager les meilleures façons pour l’ingénieur de s’y adapter. »
achat-logistique.info : Si l’écoconstruction se veut un choix économique autant qu’écologique, comment « maîtriser la casse » dans un contexte qui revoit aujourd’hui à la hausse les appels d’offres conclus il y a encore quelques mois ?
Bruno Cazabat : « La dérive des prix que l’on connaît depuis 2-3 ans emmène en effet dans son sillage plusieurs projets anciens qui nécessitent d’être aujourd’hui reconfigurés lorsqu’ils ne sont pas carrément remis en cause. À l’ingénieur de réinterroger alors la direction de projet, les prestations, voire le programme médical, et de réajuster en conséquence ce qui peut l’être, par exemple la distribution des espaces et/ou le choix des matériaux.
Par ailleurs, et pour éviter tout dérapage à venir, les programmes en études doivent absolument s’attacher à travailler d’emblée sur les vrais prix, une maîtrise que la base de données OSCIMES (Observatoire des surfaces et coûts immobiliers en établissements de santé) rend aujourd’hui possible, dans le temps et sur tout le périmètre du chantier.
Enfin, l’ingénieur veillera également, avec l’acheteur, à privilégier le mode de consultation le plus pertinent pour son projet : lots séparés si ce dernier est de modeste dimension, marché global pour une réalisation à courte échéance, macro-lots pour un programme technique… Le défi du métier est bien, aujourd’hui, celui d’une performance durable dont les impacts positifs sur l’environnement n’obèrent pas les objectifs financiers. »
achat-logistique.info : Le confort d’usage, et plus globalement l’expérience patient, est un concept qui diffuse de plus en plus au sein des établissements. Pour l’ingénieur hospitalier, constitue-t-il une contrainte de plus dans cet environnement déjà très complexifié ?
Bruno Cazabat : « Il s’avère au contraire une source d’inspiration ! Là encore, appuyer un programme sur l’avis des utilisateurs – patients et personnels – n’est pas une nouveauté en soi, mais l’expérience patient va plus loin en partant directement du vécu des personnes ainsi que de celui de leurs familles et/ou accompagnants.
En pointant des éléments jusqu’alors méconnus, ou même ignorés de la pratique, ce travail sur les interactions entre patients, proches et organisation nous permet de réinterroger le confort de la chambre patient ou le parcours patient dans son intégralité, depuis l’arrivée métro ou parking jusqu’à la navigation entre les services en passant par la dimension et la distribution des espaces. En clair, en mettant de l’humain au cœur du fonctionnel et du technique ! En l’écoutant, on peut apporter une meilleure réponse sans surcoût.
Tout comme c’est le cas en matière de maîtrise énergétique ou de responsabilité environnementale, il y a donc ici aussi un mouvement de fond que l’ingénieur hospitalier doit savoir suivre, voire anticiper, témoignant ainsi de son rôle, plus que jamais central, face aux nombreux défis du moment. »