L’inventaire des consommables pharmaceutiques (médicaments, dispositifs médicaux) et généraux (produits alimentaires, d’entretien ou bureautiques) stockés au sein de l’établissement est une obligation légale exigée une fois l’an pour la clôture de comptes, généralement en décembre. Son rôle : « comptabiliser chaque article de point de stock et comparer ce volume réel à la valeur informatique de la GEF », définit Frédéric Fourmi, responsable logistique adjoint du CHU d’Amiens.
À Chalon-sur-Saône, « l’inventaire complet du magasin hôtelier couvre ainsi 750 à 800 références pour une valeur globale de 251 000 euros », précise son magasinier, Mickaël Vieillard. Mais, au-delà, « l’opération garantit surtout la bonne gestion de la chaîne d’approvisionnement en pointant la juste disponibilité du produit au regard de la demande », insiste Jean-François Mercury, directeur de projet, en charge du pôle conseil logistique du Resah.
Une visibilité sur l’année
Or, les failles existent… Souvent de la taille d’une paille, « de l’ordre de 4 000 euros, soit 0,5 % de la valeur totale des 828 références du magasin général s’élevant à 871 000 euros en 2022 », expose Frédéric Fourmi. Parfois plus proches de la poutre, révélant des dysfonctionnements récurrents qui imposent analyse et correctif rapides.
« L’écart peut venir de marchandises payées et non livrées, d’une erreur de picking ou de saisie, d’articles cassés ou encore de produits périmés, toutefois de plus en plus rares grâce aux solutions FIFO (« first-expired, first-out ») », énumère le responsable des fonctions logistiques du CH de Saint-Quentin, Lionel Wack. Devant l’importance d’une vision quotidienne la plus exacte possible des références en magasin, de nouvelles approches émergent donc.
Des inventaires plus réguliers
Première démarche : procéder à des inventaires plus réguliers. À la demande des commissaires aux comptes du CHU, le CH d’Amiens effectue désormais deux comptages partiels supplémentaires dans l’année. « Et en cours d’année, nous réalisons aussi l’inventaire opérationnel de certaines références afin de corriger en continu sur le WMS Gildas », ajoute Frédéric Fourmi.
De son côté, et comme à Chalon-sur Saône où, par tranche quotidienne, chaque produit se voit ainsi compté 7 à 8 fois dans l’année, le CH de Saint-Quentin opère des inventaires tournants, « une vingtaine d’articles chaque semaine sur les 3 000 que rassemble le stock », détaille Lionel Wack. Enfin, « des requêtes régulières garantissent toute l’année que les prélèvements au stock physique ont bien été reportés au stock informatique », complète Mickaël Vieillard. Une évidence pas toujours si évidente, malgré les codes-barres !
De nouveaux processus
Certes, la procédure d’inventaire comptable repose toujours sur un comptage « en aveugle », généralement par binôme, dont le résultat est rapproché des documents de la GEF. « Associée aux solutions dédiées, la lecture par code-barres évite dorénavant certaines chausse-trappes, comme la coquille de saisie ou l’erreur d’unité de conditionnement », souligne Frédéric Fourmi.
Toutefois, « avec près de 200 000 points de stocks à répertorier – médicaments, DM et produits généraux – tout décompte manuel s’avère très chronophage, avec ou sans lecteur », confie Frédéric Perret, responsable de la filière logistique du CHU de Toulouse. Le niveau de stock peut donc alors être suivi au moyen de simulations, calculées en fonction des quantités approvisionnées et du rythme des consommations. « Celles-ci permettent ainsi d’estimer un niveau de stock global sur la base d’une extrapolation réalisée à partir d’un panel d’unités représentatives », détaille-t-il. Inconvénient : la technique ne s’applique qu’aux produits consommés régulièrement.
Des techniques logistiques facilitatrices
Incontournables, les stocks déportés mettent aussi l’inventaire à rude épreuve ! Ceux instaurés par manque de place et « pour lequel il faut impérativement disposer d’un document de suivi », rapporte Mickaël Vieillard (30 à 40 palettes « disséminées » durant la pandémie). Mais aussi, bien sûr, ceux constitués par les réserves des services. « Bien qu’en-cours déjà consommés, il nous faut tout de même estimer les volumes et valeurs de produits encore présents dans les services de soins », poursuit le Chalonnais qui les apprécie à partir d’extractions de consommation…
« Des estimations aujourd’hui facilitées par la méthode du double bac (ou plein-vide) qui offre une connaissance en continu du stock, sans nécessité de comptage », comme l’explique Frédéric Fourmi. « Stocks et contenants ne font ainsi plus qu’un », approuve Lionel Wack, lequel y adjoint la « méthode des 5S » dont un des principes consiste à attribuer un emplacement précis à chaque objet, ce qui « prémâche l’inventaire ».
Des organisations ad hoc
Encadrant la gestion des stocks déportés d’Amiens, des logisticiens d’étage, instaurés depuis décembre 2021, prêtent main-forte lors des inventaires comptables et opérationnels. Au CHU de Toulouse, deux régulateurs de stocks déportés, chacun positionné sur une rive de la Garonne, contribuent aussi, avec les préparateurs en pharmacie, au réajustement régulier du niveau des stocks des réserves des centaines d’unités, ainsi qu’au comptage des inventaires annuels…
Une opération qui reste toutefois particulièrement complexe et chronophage pour les articles dont la consommation n’est pas suffisamment régulière pour être servie en double bacs. « Afin de relever l’enjeu d’une maîtrise globale des stocks, l’étiquetage de l’ensemble des références, doubles bacs ou pas, sera donc lancée d’ici la fin de l’année sur quelques services pilotes » annonce Frédéric Perret.
Mains dans la main
Dimension des établissements, multiplication des points de stocks, extension des volumes… L’évolution structurelle des établissements a une dernière conséquence sur l’inventaire, non négligeable elle aussi : y inclure des acteurs nouveaux. En effet, pour garantir l’exactitude des données, préparateurs, soignants et administration doivent impérativement travailler avec la logistique, le jour J et en amont de celui-ci afin d’éviter d’engorger les stocks.
Un point crucial est de considérer que, « tout au long de l’exercice, les personnels de soins sont les premiers garants de la tenue des stocks déportés », énonce Frédéric Perret. D’où l’importance de les sensibiliser, former, encadrer et motiver. En se souvenant, au passage, qu’un inventaire réalisé fin décembre peut aussi être l’occasion d’un sympathique pré réveillon entre collègues…