Le « room service » du CHU Sainte-Justine

Pôle mère-enfant du Québec, le CHU Sainte-Justine à Montréal est l’un des principaux centres pédiatriques nord-américains. Depuis déjà plusieurs années, il se distingue, côté prestations hôtelières, par son « service aux chambres ». Lequel permet aux patients et à leurs familles de commander, lorsqu’ils ont faim, des repas à la carte. Avec une livraison dans l’heure qui suit.

« Depuis 2016, nos patients sont comme à l’hôtel. Ils ont un menu dans leur chambre. Et de 6 heures du matin jusqu’à 19 heures le soir, quand ils ont faim, ils appellent ». Voilà comment Josée Lavoie, cheffe de service des activités alimentaires du CHU Sainte-Justine, résume simplement la philosophie de son établissement pour la distribution des repas. Son équipe mitonne les plats à la demande.  Et elle se charge aussi de les livrer dans les chambres. Une organisation qui a laissé bouche bée les participants du voyage d’étude organisé par le Resah au Québec.

Un virage difficile mais une formule gagnante

Josée Lavoie © JMB

Dédié aux enfants et aux mères, l’établissement de Montréal a délaissé les anciennes pratiques des menus imposés. Le but : améliorer le taux de satisfaction. Avant le changement de formule, il plafonnait à 60 %. Pas suffisant pour Josée Lavoie. Après un tour d’horizon des us et coutumes d’autres hôpitaux canadiens, Sainte-Justine comprend que le repas « à la carte » incarne la formule gagnante. « Dans tous les endroits que nous avons visités, le taux de satisfaction montait en flèche », certifie Josée Lavoie.

Inutile de monter un projet pilote. « Tous les établissements qui avaient pris le virage au Canada nous ont dit : allez-y d’un seul coup, parce que c’est sûr que cela va fonctionner », poursuit-elle. Pour autant, il a fallu convaincre l’organisation et les différents corps de métiers. « C’est un virage qui est difficile. C’est un changement de culture, tant pour nos employés que pour l’hôpital », reconnaît-elle, « normalement, au Québec, ce n’est pas la responsabilité du service alimentaire de se rendre auprès du patient ». Mais ses arguments font mouche : le personnel soignant, comme en France, est débordé. Et elle promet la livraison rapide des repas.

Pizza, bar à pâtes, hamburgers

Dans sa chambre, le patient peut parcourir la carte. Une formule « déjeuner » (comprendre petit-déjeuner pour les Européens) avec smoothies, fruits frais, muffins faits maison, crêpes, œufs brouillés… est disponible toute la journée. Elle est complétée à partir de 11 heures par une formule « repas ». Bar à pâtes, assortiment d’assiettes froides, soupes, sandwiches, « classiques » (burritos, hamburger viande ou végés, macaronis, lasagnes), desserts, boissons chaudes et froides… Le convive, petit ou grand, a l’embarras du choix.

Les garnitures pour pizza © JMB

D’autant qu’on lui propose de nombreuses options. S’il est alléché par une pizza, le patient indique s’il la veut gratinée ou non. Et donne ses préférences pour le type de la pâte, de la protéine et de la garniture. Idem pour les sandwiches (5 types de pain, 5 garnitures, 3 protéines, 4  condiments différents). Pas moins de treize sauces figurent au menu en guise d’accompagnement. La carte existe en plusieurs versions : standard, adaptée pour les greffés, pour les régimes glycogénose et fructosémie, sans résidus….

Commande par téléphone

Une cuisine similaire à celle d’un restaurant © JMB

Une fois qu’il s’est décidé, le patient décroche le téléphone. A l’autre bout du fil, une employée du service alimentaire – une  technicienne en diététique – prend sa commande. Comme elle peut visualiser la fiche du convive, elle peut lui expliquer ce qu’il peut avoir ou pas, en fonction des préconisations des équipes soignantes et des diététiciennes.

Pour limiter le nombre d’allers-retours, le patient doit également signaler s’il souhaite une collation, laquelle sera livrée en même temps que le repas. « Nous n’acceptons pas de commandes d’un simple café ou d’une friandise. Cela nécessiterait trop de livraisons ».

© JMB

Dès que le choix est enregistré, la cuisine, qui ressemble trait pour trait à celle d’un restaurant traditionnel, reçoit un bon, avec le nom du patient, le n° de chambre, l’heure de commande et les mets demandés. « Tout est produit à l’assiette », souligne Josée Lavoie. Sauf une partie des plats classiques très populaires comme les lasagnes, fabriquées au volume, proportionnées et congelées, qu’il suffit ensuite de réchauffer.

Repas livré en chambre dans l’heure qui suit

© JMB

Le cuisinier dispose de 20 minutes pour préparer chaque commande. Si le temps est dépassé, le système déclenche une alerte sur un écran. Une fois les assiettes dressées, l’équipe de distribution (11 personnes) prend le relais. « A partir de la prise de commande, la livraison se fait maximum dans l’heure qui suit, une heure quinze en période de pointe », garantit Josée Lavoie.

Le service à la carte s’arrête seulement deux fois dans la journée, pendant trente minutes, . De 10h30 à 11h. Et de 15h30 à 16h. « Ce sont les périodes creuses. Et cela permet au personnel de faire une pause ». Lors d’une grosse journée, le service des activités alimentaires va ainsi distribuer entre 140 et 150 repas.

Les bases chauffantes © JMB

La recette tient ses promesses. Depuis 2017, le taux de satisfaction n’est pas descendu en dessous de 95 %. Le dernier score en date : 97 %. « On n’est pas parfait », considère pourtant Josée Lavoie qui cherche toujours à améliorer la qualité, notamment la température des repas livrés. Elle a déniché des « bases » de réchauffage, placées sous les assiettes. « C’est supposé garder la chaleur pendant deux heures. Mais, même avec des caissons isothermes, ce n’est pas encore optimal ».

La recette pour des recettes

Le service à la carte ne coûte pas plus cher. Au contraire. Le CHU a fait des économies. Pour une bonne raison : la fin du gâchis. « 25 % des plateaux livrés revenaient intouchés », révèle la cheffe de service des activités alimentaires. Actuellement, les retours concernent 5 % des aliments des plateaux. Le coût du repas est passé de 8 à 5,97 dollars canadiens (soit 4,05 euros).

L’ouverture progressive du « room service » aux familles et aux accompagnants, contre monnaie sonnante et trébuchante, génère des recettes. « 150 000 dollars (environ 102 000 euros) la première année. Aujourd’hui, on tourne à 220 000/225 000 dollars de recettes par an. »

Le service des activités alimentaires, dont les prestations ont été baptisées « Délipapilles », une marque déposée, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Est attendu dans les mois à venir le déploiement d’une appli pour téléphone mobile. Elle permettra de commander directement pour la carte sans régime et d’éviter de passer par le centre d’appels.  « Le service aux chambres a été pour nous un point de départ qui nous a embarqués dans une roue infernale d’amélioration », se réjouit Josée Lavoie.

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *