Mouvement perpétuel et transformation permanente… « La vie est un flux », disait Héraclite, à croire que le philosophe évoquait l’hôpital ! Approvisionnement des équipes en produits et dispositifs médicaux, services d’hôtellerie (linges, repas…), évacuation des déchets, acheminement des analyses ou encore transport des patients…
Pas d’établissement sanitaire de pointe, en effet, sans la coordination huilée d’une multitude de flux, dont certains vitaux pour les patients. Lancé dans le projet ambitieux d’un nouveau bâtiment répondant aux exigences de santé du 21eme siècle, le CH Princesse Grace de Monaco a donc misé sur l’appui d’un logisticien, spécifiquement recruté pour dessiner et organiser ces circuits à venir : Jean-Marc Champernaud.
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« Le défi est de taille », reconnaît d’emblée l’intéressé auquel il revient ainsi de « faire évoluer l’établissement ». Les défis devrait-il dire. « Passant d’une conception pavillonnaire à un hôpital unique prévu pour accueillir à terme près de 500 lits et une vingtaine de salles d’opération sur 100 000 m2, le site fait d’abord face à un enjeu de rationalisation qui doit être relevé dès l’ouverture de sa première tranche, en avril 2026, et ce dans une ossature architecturale évidemment déjà arrêtée », explique Jean-Marc Champernaud.
À partir d’un état des lieux de chaque direction et en collaboration avec les équipes, il s’agit par conséquent de trouver les marges possibles pour accorder les solutions optimales aux plans ainsi finalisés, « en résumé vérifier que les locaux réservés à la logistique aient été bien dimensionnés ou, le cas échéant, les réaffecter en fonction du projet », précise l’expert.
Des flux plus flexibles
Il développe : « la réflexion se fait par exemple ici, pour substituer à l’organisation ventilée qui existait jusqu’alors, la mutualisation des transports logistiques dans une seule et même équipe, en cohérence avec la nouvelle disposition bâtimentaire… Ou bien là, pour favoriser la libération du temps soignant via une gestion des approvisionnements automatiques effectuée au sein même des services de soin. »
Deuxième challenge : « face à un projet de longue haleine dont l’achèvement est programmé pour 2032, insuffler une forme de « flexibilité native » aux flux et aux organisations afin qu’ils soient en capacité de s’adapter aux activités au fur et à mesure de l’évolution de celles-ci », détaille le professionnel. Digitalisation et robotisation s’avèrent évidemment au cœur du programme, au profit de « solutions innovantes et/ou inédites ». Enfin, dernier attendu et non des moindres : assurer la continuité de service et de mobilité au fil des déconstructions/reconstructions qui vont s’échelonner sur les huit prochaines années.
La restauration, la meilleure des écoles
Après 25 ans à la tête d’équipes pouvant atteindre 200 personnes, Jean-Marc Champernaud se retrouve donc soudainement seul, « à l’image d’un consultant, en charge d’une vision globale, à court et long terme, pour mieux fluidifier et coordonner », décrit-il. Seul certes, mais fort d’un parcours qui brique par brique, semble n’avoir été monté que pour justement aboutir sur les hauteurs du Rocher.
À commencer par des débuts en tant qu’ingénieur restauration au CHU de Grenoble, « un établissement intégré en 1998 pour mener à bien le projet de restructuration de la fonction et, dans la foulée, ouvrir, à 12 kilomètres du site une nouvelle cuisine centrale d’une capacité de 8000 repas par jour… » raconte-t-il. Car il l’assure : « Ce fut très certainement la meilleure des écoles pour se roder aux questions logistiques les plus sensibles de l’approvisionnement, de la gestion des stocks ou encore de la distribution. »
Auditeur interne
Dix ans plus tard, le CH de Perpignan, rejoint comme ingénieur logistique et hôtellerie, sera cette fois l’occasion, non seulement d’étendre son périmètre de responsabilités (blanchisserie, transport, magasin, déchets…) mais aussi de « cocher la case de la création d’un nouvel établissement, avec toute la vision prospective que la complexité de l’exercice exige… »
De nouveaux savoir-faire auxquels l’étape suivante, au sein d’un syndicat mixte territorial, va cette fois ajouter les compétences d’un responsable d’exploitation dont la mission, suite à son propre audit, sera « d’augmenter les productions et d’améliorer l’offre de deux cuisines centrales distribuant 90 sites » résume-t-il.
Cuisines et arrière-cuisines
Après deux ans à l’AP-HP, notamment pour y restructurer la fonction restauration du nouvel hôpital Lariboisière, Jean-Marc Champernaud était enfin, depuis sept ans, au CHI de Toulon. « J’y occupais à nouveau un poste d’ingénieur hôtellerie et logistique mais sur un périmètre particulièrement étendu qui, de la reprographie à la chambre mortuaire en passant par les déchets ou le standard, m’a permis de me familiariser avec les impératifs de chacune de ses composantes », rapporte-t-il.
Une connaissance fine, donc, de chaque « cuisine et arrière-cuisine » sur lesquelles s’adosse la performance d’un établissement hospitalier, connaissance qui lui permet aujourd’hui, d’embarquer les équipes de Monaco dans un virage logistique digne du fameux circuit automobile local. Garanti au profit de leurs conditions et qualité de vie au travail. Et sans sortie de piste.