Une collectivité lance un marché de services en 2017. Une entreprise écartée d’un lot déclenche un contentieux. Elle obtient du tribunal administratif la résiliation du marché, ainsi qu’une indemnisation d’environ 110 000 euros, alors qu’elle réclamait plus de 2 millions en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière.
En octobre 2023, la cour administrative d’appel de Marseille porte la somme à 1,74 million. Le pouvoir adjudicateur demande alors au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt. Les sages du Palais-Royal rappellent la règle. Quand un candidat demande la réparation du préjudice née d’une éviction irrégulière, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le contrat. Dans le premier cas, le soumissionnaire n’a droit à aucune indemnité.
Dans le cas contraire, elle a droit en principe au remboursement des frais engagés pour présenter son offre. Si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le contrat, elle a droit à être indemnisée de son manque à gagner, « incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique ».
Par ailleurs, le « manque à gagner de l’entreprise est évalué par la soustraction du total du chiffre d’affaires non réalisé de l’ensemble des charges variables et de la quote-part des coûts fixes affectée à l’exécution du marché. » Or, dans le cas d’espèce, la CAA a jugé qu’il n’y avait pas lieu, pour évaluer le manque à gagner, de tenir compte des coûts fixes, sauf à démontrer l’existence de coûts fixes supplémentaires induits par l’obtention du marché.
« En subordonnant ainsi la prise en compte des coûts fixes dans le calcul du manque à gagner à l’existence de frais supplémentaires induits par l’obtention du marché, alors qu’il lui appartenait de soustraire la part des coûts fixes de la société requérante qui aurait été affectée à l’exécution du marché si elle en avait été titulaire, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit », juge le Conseil d’Etat. L’arrêt est annulé et l’affaire renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille.
Référence : Conseil d’État, 31 octobre 2024, n°490242.