L’IGD, fondation regroupant acteurs publics et privés de la gestion des services publics, publie son 4è précis visant à clarifier les règles juridiques applicables lorsqu’un contrat de la commande publique et surtout un contrat de concession est confronté à un aléa, c’est-à-dire un évènement imprévisible.
Distinguer risque et circonstance imprévisible
« Si les risques sont prévisibles et doivent être chiffrés, les aléas ne le sont pas. Le risque fait partie du contrat de concession alors que l’aléas est une circonstance imprévisible. L’objectif du précis est donc d’insister sur cette distinction absolument essentielle qui entraine des confusions y compris dans un certain nombre de jurisprudences », a expliqué Hélène Hoepffner, professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui intervenait lors du colloque de l’IGD le 10 février, et qui a dirigé la rédaction de ce précis. Et la juriste de citer l’exemple des ruptures dans les chaines d’approvisionnement : « s’agit-il d’un risque ou d’un aléa ? ».
« Jusqu’à présent on ne traitait que d’un seul aléa, celui de la crise sanitaire avec des textes juridiques spécifiques. Aujourd’hui, le précis élargit l’étude à d’autres aléas pour les prendre en compte tout au long d’un contrat. On avait l’habitude que les crises soient momentanées. Mais après la crise sanitaire et énergétique, la crise climatique n’est pas près de s’arrêter et va entrainer un bouleversement des contrats à long terme », a-t-elle ajouté.
Comment traiter contractuellement l’aléa
Le précis a été rédigé « en pensant aux aléas négatifs puisque ce sont ceux qui compliquent l’exécution du contrat ». Ces derniers peuvent survenir au stade aussi bien au stade de l’offre, avec pour résultat un contrat structurellement « perdant » pour le titulaire avant même l’exécution, que pendant un chantier ou la phase d’exploitation d’une infrastructure. Ne pas s’en préoccuper peut pousser les candidats à renchérir leurs prestations, soit les amener à une situation périlleuse, ce qui n’est dans l’intérêt d’aucun co-contractant.
Le document permet donc déjà faire le point sur la possibilité de traiter contractuellement l’aléa. Il met en avant l’intérêt d’insérer des clauses organisant la fin anticipée du contrat en cas d’impossibilité d’en poursuivre l’exécution. Encore faut-il être capable de définir les situations concernées, qui ne doivent être « ni définies de manière trop restrictive pour permettre d’être adaptées à la diversité des situations susceptibles d’être rencontrées, ni trop largement pour ne pas rendre leur interprétation et leur application trop incertaine ».
Prévoir une clause de rendez-vous
L’étude expose également le cas de l’aléa qui complique le contrat sans forcément le remettre en question, et qui nécessitera la création d’un dispositif de prise en charge approprié. Elle insiste sur trois points. Primo, la reconnaissance du caractère non fautif du manquement contractuel résultant de l’aléa. Deuzio, le report des dates contractuelles de réalisation de travaux et de mise en service de l’équipement avec une durée permettant de compenser les effets de l’aléa. Enfin la prise en charge des surcoûts et, le cas échéant, des pertes de revenus résultant de la réalisation de l’évènement.
Il reste toutefois impossible pour les parties d’imaginer tous les impacts de certains aléas. Aussi insérer une clause de revoyure peut s’avérer très utile. A condition qu’elle précise son « déclencheur », un objectif partagé à l’image d’un « rétablissement de l’équilibre financier du contrat » et un cadre calendaire.
Le précis de l’IGD n’oublie pas le traitement extracontractuel de l’aléa. « Il s’agit de chercher en dehors du contrat des outils jurisprudentielles qui permettent au contrat de résister aux aléas », a précisé Hélène Hoepffner.
Une direction du conseil et de l’évaluation à la Métropole de Dijon
La Métropole de Dijon, agglomération de 260.000 habitants, possède une vingtaine de délégations de services publics, a indiqué Grégoire Asselineau, directeur du conseil et de l’évaluation. Il a évoqué la manière dont le risque est évalué dans sa collectivité, comment on le chiffre, comment anticiper la survenance de certains aléas, comment armer les contrats pour faire face à ces évènements.
Pour faire ce travail, la métropole dijonnaise dispose d’une « direction du conseil et de l’évaluation ». Il s’agit d’un cabinet interne à la collectivité qui accompagne la mise en place des contrats à travers une évaluation des risques. « Sur la gestion des aléas, il y a des audits à conduire », a fait savoir Grégoire Asselineau qui constate par ailleurs que la dimension environnementale est peu prise en compte par les fournisseurs.