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Une solution solide pour les DiMed liquides

Trop souvent gérés dans des conditions potentiellement préjudiciables à l’environnement, les déchets médicamenteux liquides viennent enfin de trouver conteneurs à leur pied grâce à l’innovation durable codéveloppée et expérimentée par le centre hospitalier de Cannes-Simone Veil : un collecteur bio-composite équipé d’un gélifiant.

© CH Cannes

On le sait, l’utilisation de médicaments conduit à une production de déchets susceptibles de présenter un risque, notamment chimique ou radioactif. « Par conséquent, et pour parer tout aléa, les déchets médicamenteux (DiMed) hospitaliers doivent être obligatoirement incinérés après leur conditionnement dans des emballages DASRI », pose d’entrée Nathalie Ronzière, directrice adjointe de la recherche, de l’innovation et du développement durable au centre hospitalier de Cannes Simone Veil.

1 litre de DiMed pour 33 interventions

© Epictura

Seulement voilà : « la réalité n’est pas toujours si simple, notamment pour les résidus injectables qui, au mieux, se voient versés dans les conteneurs jaunes classiques accueillant déjà d’autres déchets solides, au pire rejoignent les eaux usées… », reconnaît le pharmacien du site en charge du développement durable, Sylvie Chanton.

En mai 2023, une étude interne à l’établissement a ainsi démontré que pour 33 interventions, un litre de DiMed était évacué, composé de 23 molécules dont la plupart – propofol entre autres – présentait un indice de persistance, bioaccumulation et toxicité (PBT) très élevé… « Et l’atteinte potentielle à l’environnement n’est pas le seul problème » souligne la professionnelle, « c’est aussi, quelle que soit l’option de rejet choisie, une entorse sérieuse aux nécessités de contrôle et de traçabilité incombant aux établissements. » Mais comment agir différemment ?

Un collecteur bois et polypropylène biosourcé pour DASRI

© CH Cannes

La réponse va venir d’une jeune société bordelaise, Med 33, spécialisée depuis trois ans dans la distribution de dispositifs médicaux écologiques sous la marque Remade Syn. Au catalogue de la start-up s’affiche déjà un produit des plus innovants : Woodsafe, un collecteur pour DASRI auquel le mélange de fibres de bois et polypropylène biosourcé à partir de résine de pin confère résistance et flexibilité.

« Avec des qualités d’étanchéité totalement équivalentes aux conteneurs habituels, ces réceptacles bio-composites certifiés CE réduisent ainsi de 66 % l’empreinte carbone de l’un des produits plastiques les plus consommés dans le secteur de la santé », souligne le directeur général et fondateur de l’entreprise, Maxence Brouard. La gamme se déploie de 0,5 à 50 litres, avec un tarif qui, pour être encore supérieur de 15 à 20 % aux conteneurs actuels, « devrait s’aligner sur ce dernier dès que le fichier clients sera suffisant pour amortir les frais », assure-t-il.

Une dose de gélifiant

© CH Cannes

À la demande de Sylvie Chanton qui a déjà tenté quelques essais de son côté, l’industriel va donc réfléchir à une déclinaison de son produit phare, en étroite collaboration avec l’établissement sudiste et sur la base d’un solide protocole d’évaluation. Et de tests en corrigés successifs, ils trouvent ensemble la martingale : « un sachet unidose de gélifiant hydrosoluble qui, placé au fond du contenant, va solidifier les liquides jusqu’au demi-litre », détaille le pharmacien Pierre Machuel, directeur médical et des opérations de Remade Syn.

Le changement d’état évite les fuites et le système, totalement inodore et léger (104 g à vide, gélifiant inclus), s’avère clairement plus écologique. Plus encore : « aux boîtes remplies par les équipes du CH, il suffit ensuite aux pharmaciens de soustraire leur poids initial pour assurer la traçabilité », complète Maxence Brouard. Mises dans les sacs transparents ou cartons jaunes dédiés, les contenants suivent ensuite le circuit DASRI habituel.

420 unités achetées

Pierre Machuel

En juin 2024, 16 de ces prototypes finaux baptisés LiquiDiMed sont expérimentés par les acteurs du bloc opératoire cannois, sous la houlette du docteur Ben Abdelkarim, avec 2,752 kg de liquides recueillis en quatre jours. À l’exception de quelques modifications demandées à la marge, « les équipes ont été tellement satisfaites qu’elles ne voulaient plus s’en passer à la fin du test », rapporte Nathalie Ronzière.

Dans la foulée, un marché de 2200 euros a donc été passé, de gré à gré, avec Med 33 pour l’achat de 420 unités, quantité prévue pour couvrir les besoins des six prochains mois du bloc compte tenu du fort pouvoir d’absorption du gel utilisé. « Certes, cela constitue un surcoût pour l’établissement puisque cette dépense n’existait pas jusqu’alors, mais il est dérisoire au regard des bénéfices retirés, à la fois pour la sécurité des équipes, le respect du cadre réglementaire et, bien sûr, pour l’environnement », avance avec conviction la directrice adjointe.

Forts de ces atouts, les nouveaux collecteurs équipent d’ailleurs déjà aussi la réanimation de l’hôpital ainsi que sa salle de naissance, deux services où le nombre de seringues préremplies est particulièrement élevé. Et ils feront prochainement l’objet d’une publication scientifique, afin de ne pas garder leur secret enfermé.

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