Fils d’Héra, inventeur de génie – il aurait imaginé la cuirasse d’Héraclès et le bouclier d’Achille –Héphaïstos a fait des petits au GHU Paris Saclay. Tout commence en 2018 lorsque l’hôpital Bicêtre cherche à trouver une solution aux multiples tracas dont souffre son équipe de brancardage, contrainte, par exemple, de recourir au système D pour fixer correctement des équipements.
La direction achats-logistique fait alors appel à Humaniteam Design, une agence spécialisée dans le secteur de la santé. Laquelle met au point des petites pièces en plastique, testées sur le terrain, pour faciliter l’usage d’équipements ou les réparer. L’essai est un coup de maître. Et les designers s’installent à l’hôpital pour créer un Fab Lab, baptisé du nom du dieu de la mythologie grecque (lire notre article du 19 septembre 2022).
Tous les professionnels peuvent avoir des idées
Dans ce lieu où ils trouvent une aide méthodologique et un parc de machines digne de la Complainte du progrès de Boris Vian (découpeuse graveuse laser, fraiseuse numérique, plieuse thermique, brodeuse numérique, imprimante 3D…), tous les agents peuvent laisser libre cours à leur inventivité afin de régler un problème concret du quotidien.
« L’innovation n’est pas que médicale, elle est aussi hospitalière. Chaque professionnel de la chaîne peut avoir des idées, quel que soit son bagage », a défendu Claire Fauchille, designer santé et innovation sociale au Fab Lab, lors du dernier Séminaire des directeurs achats et logistique hospitaliers.
391 projets
C’est pourquoi Héphaïstos n’hésite pas à sortir de sa forge lorsqu’on lui demande. Il se déplace grâce à une Fab Lab mobile, lors d’ateliers « pop-up » dans les services de soins. Déjà 391 projets ont été portés par les professionnels et les patients. Une créativité bien utile dans un contexte hospitalier où il faut adapter sans cesse le standard. Car le Fab Lab a les moyens de fabriquer en petite série des objets qui n’existent pas, ou qui sont trop spécifiques.
Au panthéon des œuvres d’Héphaïstos, on trouve ainsi une planche à massage cardiaque pour le service des urgences pédiatriques, où jusque-là les infirmières, faute de matériel au bon format, enroulaient des planches de contreplaqué dans du cellophane. Mais aussi un porte-tube de prélèvement sanguin, qui auparavant n’était jamais à la bonne hauteur, au bon diamètre, ou à la bonne couleur. Aujourd’hui, les unités peuvent les produire à la découpe laser, en les personnalisant au nom du service, un bon moyen d’éviter de se les faire subtiliser.
Faciliter la vie et prolonger la durée du matériel
Les ustensiles « made in Fab Lab » rendent plus simple la vie de tous les jours , remettent un matériel dans le circuit, ralentissent l’obsolescence… : modèles anatomiques pour les rendez-vous d’annonce préopératoire en urologie, aides techniques employés afin de faciliter la prise du repas, maquette d’une chambre de patient en réa pour expliquer l’usage des machines et la signification des bruits, protège-plaque de radiologie, kit de réparation des fauteuils des services et des salles d’attente, boîte souvenir personnalisable destinée à restituer les affaires des patients décédés en réanimation…Au total, 12 800 pièces ont déjà été diffusées.
L’une des œuvres du démiurge est même entrée dans le système de commandes SAP. Il s’agit d’un petit crochet capable de fixer une poche à perfusion à une potence, quel que soit son diamètre. Imaginé par l’équipe des soins longue durée gériatrie de l’hôpital Paul Brousse, il a été, au début, fabriqué à 140 exemplaires. Le succès a été tel que l’AP-HP a fini par investir dans un moule de fabrication, conçu en France. 15 000 pièces sont en cours de distribution ! Dans son registre, Héphaïstos donne finalement raison à Paul Valéry qui pensait que « rien n’est plus humain que le divin ».