EHPAD de Fontenay-sous-Bois : les petits canons du bistrot Bertha

Cofondatrice du groupement de coopération sociale et médico-sociale du Val-de-Marne en 2008, la maison de retraite de Fontenay-sous-Bois a toujours voulu se faire le symbole du bien vivre et de l’ouverture sur l’extérieur. Point d’orgue à ce joyeux cocktail, un « bistrot Bertha » ouvert à tous qui, depuis juin dernier, réinvente la « convivialité d’avant » autour d’un verre.

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Siroter tranquillement son petit café, taquiner le carton autour d’une bière, trinquer avec les siens… Les gestes mêmes de la sociabilité, malheureusement remisés aux placards du passé une fois les portes de l’Ehpad franchies. Alors qu’elle milite pour une structure la plus ouverte possible sur la vie, abritant ici une crèche multi-publics, projetant là un square pour bébés, la directrice de la Maison de Retraite intercommunale Hector Malot de Fontenay-sous-Bois (228 lits) vient donc de réhabiliter ces usages conviviaux en ouvrant fin juin un bistrot au cœur de son établissement.

Un Ehpad licence III

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Conduit avec l’aide du sociologue Antoine Gérard, créateur du concept, ce « Bistrot Bertha » se veut ainsi un « bar de village » tout ce qu’il y a de plus classique, avec à la carte l’ensemble des consommations attendues dans un débit de boissons de 3ème catégorie, jusqu’aux alcools dont le taux ne dépasse par 18° : vin, bière, cidre ou encore champagne !

« L’idée est certes de boire un petit coup de temps à autre mais plus encore de se trouver à nouveau en situation de pouvoir le commander, grignoter trois chips entre les repas, manier un peu d’argent pour ceux qui le souhaitent, retrouver des amis ou au contraire rencontrer de nouvelles personnes… », explique la responsable des lieux, Magali Rineau.

Un coquet troquet

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Le zinc a pris ses quartiers dans l’ancienne cafétéria de l’établissement, relookée pour l’occasion. Jusqu’en début d’après-midi, celle-ci demeure bien assignée à ses fonctions « soft » initiales, réservée aux agents, résidents et familles. Mais à 15h30, c’est la métamorphose : la tireuse à bière est activée, le chariot des vins et autres crèmes de cassis fait son entrée, les en-cas sont réchauffés.

« Balancelles et petite terrasse s’ouvrent alors aussi aux habitants du quartier, jusqu’à 19h30 du mercredi au samedi, les jeudi proposant de surcroît un événement en nocturne (21h30) : concert, jeux de société, loto, karaoké ou – Paris 2024 oblige – retransmission des JO sur grand écran », détaille Magali Rineau. Trois moyens de paiements sont proposés : en espèces, par carte bancaire ou par le biais d’une carte prépayée à retirer auprès du régisseur de l’établissement.

Animatrice limonadière

Bien évidemment, mêler galopins et seniors n’a pas été sans susciter quelques réserves et l’ouverture d’un bar au sein de la Maison de retraite intercommunale sans nécessiter certains aménagements. « Il a d’abord fallu rappeler aux pouvoirs publics qu’un Ehpad relève du code de l’Action sociale et des familles et qu’à ce titre, une licence III peut bel et bien lui être délivrée », raconte la directrice.

Pour que l’établissement obtienne le permis d’exploitation, l’un de ses salariés – en l’occurrence la responsable de l’animation – a aussi dû ajouter un verre à son arc, 20 heures de formation obligée, autour de l’hygiène, la prévention de l’alcoolisme, la protection des mineurs et la gestion de l’ébriété publique.

Des alternatives pour ne jamais être frustré

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Enfin, et surtout, durent être bues toutes les craintes relatives aux effets indésirables de l’alcool sur des résidents âgés, parfois diabétiques et le plus souvent polymédicamentés. « Dans le cadre du projet de vie personnalisé, la décision fait l’objet d’une discussion en amont avec l’intéressé(e) et ses proches avant d’être transmise au comptoir du café où le service se verra refusé le cas échéant », expose Magali Rineau. Un refus qui, bien sûr, ne sera jamais sec, chaque produit alcoolisé vendu ici – vin, bière, cocktail – ayant toujours son équivalent sans alcool et/ou sans sucre pour pallier toute frustration.

Affichés de 1 euro le café à 8 euros la coupe de champagne, les tarifs sont on ne peut plus abordables sur la carte. Mais aux livres de comptes, le business model paraît déjà plus alambiqué. Certes, porté par une association anciennement créée pour encaisser les dons, le bistrot Bertha de Fontenay-sous-Bois ne coûte pas un denier public.

Une addition à bien considérer

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Mais il aligne les dépenses : « le salaire d’un étudiant recruté à mi-temps pour tenir le lieu, les achats réalisés au fil de l’eau en gré à gré, la prestation du jeudi (DJ, groupes de musique…) et les primes d’assurance supplémentaires requises, soit des sorties mensuelles avoisinant les 1800 euros, en sus d’une mise initiale de 15 000 euros investie dans la décoration du lieu et l’achat des machines (tireuse à bière, fontaines à cocktails…) », résume Magali Rineau.

Or, l’équilibre impose une recette de 1000 euros chaque semaine, le double des encaissements actuels. Si le succès du lieu n’est plus à faire en interne, sa réussite financière repose donc sur les consommateurs extérieurs à séduire d’urgence. « À défaut de quoi nous devrons fermer à la fin de l’été. Ou remplacer l’étudiant par l’un des salariés », indique la directrice, laquelle refuse toutefois d’imaginer son projet… boire la tasse.

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