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L’achat en exclusivité, une procédure inclusive

Lors des journées de l’Association française des ingénieurs biomédicaux (AFIB) à Strasbourg, Pierre-Yves Claude, coordonnateur des achats du GHT Vosges, a recommandé aux professionnels, en cas d’achat en exclusivité, de travailler main dans la main avec les acheteurs et juristes pour éviter toute mauvaise surprise. Car ce caractère exclusif nécessite d’être attentif et collectif, en aucun cas évasif.

© Epictura

« Raisons techniques » et « existence de droits d’exclusivité ». Pour ces deux motifs, l’acheteur peut faire affaire avec un fournisseur déterminé sans passer par la case publicité et mise en concurrence (article R 2122-3 du Code de la commande publique). Cependant, il s’agit d’une mesure « dérogatoire », n’a pas oublié de rappeler Pierre-Yves Claude à l’occasion d’un atelier consacré au sujet par l’AFIB le 10 octobre. Utilisable seulement lorsqu’il n’existe aucune « solution de remplacement raisonnable » et que l’absence de concurrence ne résulte pas « d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché ».

Par ailleurs, exclusif ne rime pas avec impulsif. « Le risque, c’est de vouloir aller trop vite ou de croire que c’est de l’achat trop simple ». D’autant que les mauvaises surprises (contentieux administratif, risque pénal) ne sont pas à exclure. Comme tout achat, il faut au préalable bien définir le besoin, même si l’on présuppose que l’achat en exclusivité est envisageable. Et prendre de la distance vis-à-vis des arguments présentés par l’entreprise. Nombre de certificats d’exclusivité sont un peu bancals, a reconnu Pierre-Yves Claude. Il est donc nécessaire de réaliser un sourcing, afin de s’assurer qu’il n’existe pas d’autres prestataires.

Ne pas prendre les arguments de l’entreprise pour argent comptant

Pierre-Yves Claude

Le pouvoir adjudicateur, qui engage sa responsabilité en l’espèce, doit donc vérifier qu’il n’est pas en train de s’égarer. Parmi les cas de figure évoqués : celui d’un laboratoire qui fournit une attestation garantissant que son automate est le seul à réaliser un panel d’analyses donné sur un seul équipement. Cet argument en lui seul n’est pas recevable. «  En effet, l’établissement pourrait être à même de réaliser ces analyses sur plusieurs équipements. Le fait qu’un seul équipement permette de réduire la taille des paillasses ou d’avoir une gestion plus facile n’est pas suffisant pour recourir à l’achat d’exclusivité. »

Vu le côté un peu aventureux de la technique, le coordonnateur des achats du GHT 88 a préconisé de formaliser et de tracer autant que possible, pour pouvoir se justifier en cas de contrôle. « Il faut pouvoir démontrer pourquoi on a eu recours à cette procédure ». Il a ainsi suggéré d’utiliser le profil d’acheteur pour échanger avec le fournisseur, plutôt que par simple mél ou réunion.

Un seul fournisseur ne veut pas dire zéro négo

Dans la même logique, mieux vaut ne pas se dispenser  d’un  mini cahier des charges qui permet de définir ses attendus et ses exigences, et dans quelles conditions le marché sera exécuté, avec des renvois vers le CCAG concerné. Ce qui ne sera pas forcément le cas si l’on se contente d’accepter, en gré à gré, une proposition clefs en main du fournisseur. « Il n’y a pas besoin de faire toute une littérature. Un CCTP peut faire trois ou quatre pages ».

L’achat en exclusivité ne signifie pas non plus dire amen au fournisseur. Il est tout à fait possible de négocier. Et pas seulement le prix. Mais aussi la durée du marché, les modalités de livraison, l’engagement de volume, l’accompagnement des utilisateurs… Les marges de manœuvre existent, notamment lorsqu’un industriel cherche à s’implanter sur le secteur.

S’appuyer sur l’expertise des acheteurs et juristes

Pierre-Yves Claude a insisté sur ce point : lorsque l’option achat d’exclusivité se profile à l’horizon, les prescripteurs ont tout intérêt à se rapprocher très en amont, dès la définition du besoin, des acheteurs et juristes, de manière à travailler les pièces du marché et pouvoir définir toutes les modalités. En raison des épées de Damoclès précédemment évoquées, le recours à l’achat exclusif devra être validé par le signataire du marché.

Nul n’en sera surpris : les cellules juridiques apprécient modérément la formule au regard des risques. Quelles sont les autres solutions si ces dernières renâclent ? Lancer classiquement un MAPA ou un AO. « Sans recopier dans le cahier des charges la fiche technique ou le mémoire technique du fournisseur ciblé », précise Pierre-Yves Claude. Commander en direct si le montant n’excède pas 40 000 euros HT, en vérifiant la computation. Ou encore passer par une centrale d’achat si elle a référencé le fournisseur capable de répondre au besoin.

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