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Demandes de devis, attention aux ennuis

De nombreux acheteurs publics ont coutume de demander, sous 40 000 euros HT, trois devis et d’en choisir un. Le système a le mérite d’être simple et rapide. Mais cette forme de mise en concurrence aboutit en fait à passer un MAPA. Et elle n’offre pas beaucoup de garantie côté exécution. Il faut donc respecter plusieurs règles et privilégier certaines pratiques, comme le préconise l’Association des acheteurs publics (AAP) qui vient d’organiser un webinaire sur le sujet.

En deçà de 40 000 euros HT, sous réserve de computation, un acheteur public peut s’adresser directement à une entreprise. Ou demander plusieurs devis. La DAJ recommande ces comparaisons lorsque la personne publique n’a pas de « connaissances particulières du secteur économique ». Lors de leurs contrôles, les chambres régionales des comptes les préconisent de plus en plus.

Sauf qu’interroger plusieurs entreprises change la donne. « Soit l’acheteur se dispense de publicité et de mise en concurrence en sollicitant un seul opérateur. Soit il décide volontairement – alors qu’il n’est pas obligé de le faire – de mettre en concurrence en sollicitant plusieurs devis, et il ne s’agit plus d’une procédure sans mise en concurrence », a estimé Arnaud Latrèche, vice-président de l’AAP et adjoint du directeur des finances et commande publique au département de la Côte-d’Or, lors du webinaire du 14 novembre.

Informer les entreprises sollicitées des critères de choix

La coutume des trois devis aboutit donc à un marché à procédure adaptée. Et qui dit MAPA, dit règles à respecter. Arnaud Latrèche les a rappelées. D’abord l’obligation de porter à la connaissance des entreprises sollicitées les critères de comparaison des devis, ainsi que leur hiérarchisation ou pondération. Le juge ne plaisante pas avec la discipline. Il n’a pas hésité à annuler l’attribution d’un marché pour le simple achat d’une tondeuse. La personne publique avait demandé quatre devis, sans préciser les critères envisagés afin de sélectionner la machine (CAA de Douai du 31 décembre 2012, n°11DA00590).

Pas question non plus de choisir le critère unique du prix dans le cas de services ou de fournitures non standards ou pour des travaux. Cette fois, c’est une prestation de coordination SPS estimée à 2598 euros HT qui est passée sous les fourches caudines de la justice administrative (voir la décision du TA de Strasbourg, 16 mai 2024, n°2108389).

Analyser les capacités

L’acheteur doit également en théorie analyser les capacités des opérateurs (économique, financière, technique et professionnelle). « On peut se poser la question de la réelle utilité de cette analyse pour ce type d’achat, d’autant qu’on peut raisonnablement penser que l’acheteur va solliciter des entreprises qui sont compétentes. Malgré tout, dans le Code de la commande publique, à tort ou à raison, il n’y a aucune dérogation à cette obligation », a pointé du doigt le vice-président de l’AAP.

Le pouvoir adjudicateur prendra aussi soin d’obtenir de l’attributaire pressenti les documents prouvant l’absence de cas d’exclusion (attestations sociales et fiscales). Et il informera les autres prestataires que leurs devis n’ont pas été retenus.

Une exécution qui peut se révéler problématique

« L’acheteur doit être en mesure de répondre à deux questions : pourquoi est-ce que cette entreprise a été choisie ? Comment s’est effectué le choix de ce prestataire ? », a résumé Florent Gadrat, avocat au cabinet Lexcase. On pourra objecter qu’il n’y a pratiquement pas de contentieux sur le sujet. Et que le risque est infinitésimal. Notamment parce que l’enjeu financier n’en vaut pas la chandelle.

Cependant, pour Florent Gadrat, le problème de ces achats sur devis, appréciés en raison de leur souplesse et de leur rapidité, n’est pas tant la passation que l’exécution. Comment s’assurer des conditions de réception ou infliger des pénalités, sans cahier des charges et dispositions particulières ? « Les CCAG ne s’appliquent pas dès lors que le devis n’y fait pas référence », a-t-il prévenu.

Pas de référence aux CCAG a posteriori

« Si l’acheteur souhaite faire référence à un CCAG, il faut que cette intention soit portée à la connaissance des entreprises avant leur chiffrage. Cette décision de l’appliquer ne peut pas intervenir après coup », a renchéri Arnaud Latrèche. Et en l’absence de référentiel côté acheteur, gare aux clauses générales de vente figurant sur le devis.

Mieux vaut prévenir que guérir. Voilà pourquoi l’AAP propose un kit MAPA, dans lequel on trouve un modèle de consultation (cahier des charges simplifié, critères de choix et pondération, date et heure limite de remise de l’offre, mention du recours éventuel à la négociation…) et le cadre d’une fiche de traçabilité (objet de la consultation, date, estimation, critères/liste des entreprises consultées/analyse des offres). De quoi éviter à ses petits achats de gros désagréments.

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