« J’ai fait de la recherche pour faire remonter des remarques du terrain et apporter des réponses à des pratiques professionnelles ». Voici ce qui anime Valérie Sautou, de front professeur des universités – praticien hospitalier (PU-PH) à l’Université Clermont Auvergne et cheffe du pôle pharmacie du CHU de Clermont-Ferrand depuis une dizaine d’années, tout juste nommée directrice de la transformation écologique de l’hôpital.
Clause dans les marchés de DMS
Cette nouvelle fonction couronne une carrière marquée par l’écoute des professionnels de terrain, et le pilotage de recherches en liens avec leurs préoccupations. Valérie Sautou a notamment contribué à des études sur l’exposition des nouveau-nés à des perturbateurs endocriniens. En collaboration avec les pédiatres et réanimateurs en néonatologie, son équipe a montré que certains dispositifs médicaux (DM) pouvaient surexposer les nouveau-nés prématurés à des phtalates et apparentés.
Cet enseignement a donné lieu, sous la houlette de sa consœur Lucie Germon, coordinatrice du groupement d’achats PharmAuvergne DMS, à une clause particulière dans certains appels d’offres depuis 2021. Le texte demande aux industriels d’indiquer les composants de leurs DM ou de fournir des échantillons pour les analyser. Surtout, il offre la possibilité au groupement d’accepter, ou pas, le marché au regard de ces données. Et ce, même si les produits toxiques ne sont pas encore interdits. « Nous avons un décalage trop long entre le moment où un produit chimique est ‘peu recommandé’ et son interdiction dans la loi », regrette Valérie Sautou.
Penser un Spaser
« Aujourd’hui, mon but est d’intégrer des démarches de transition écologique dans chaque direction du CHU en innovant sur les méthodes, et de booster les volets soin éco-responsable, recherche et enseignement », explique celle qui reste PU-PH. Tout va commencer par la rédaction du Schéma de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables (Spaser) à l’échelle du groupement hospitalier de territoire (GHT).
« Les principales idées seraient d’accroitre le poids des critères environnementaux dans nos marchés, et de valoriser les produits de santé -médicament et DM- les moins impactants pour l’environnement chaque fois que possible, notamment en limitant au maximum l’usage unique quand c’est pertinent… Nous comptons capitaliser sur l’attention déjà portée aux perturbateurs endocriniens dans l’achat des DM via notre groupement PharmAuvergne DMS, » précise la pharmacienne, qui croit en la force des groupes pour avancer.
La culture du collectif
Sa façon de travailler : mettre autour de la table. Ainsi se retrouvent les utilisateurs, les acheteurs, les hygiénistes… pour décortiquer une pratique. « Si l’analyse de cycle de vie a déjà été réalisée, on étudie sa transposabilité. Sinon on la fait. Et enfin on regarde les impacts écologiques, économiques et sociaux. De fait, un changement de pratique a souvent des conséquences sur les organisations et la mobilisation d’agents supplémentaires qu’on ne peut négliger », explique celle qui a l’habitude de fonctionner sur les trois pieds de la RSE.
C’est à partir d’une telle méthode que, par exemple, les packs d’accouchement par voie basse ont été analysés au CHU. Et depuis janvier 2024, les plateaux pour cet acte sont passés du jetable au réutilisable. « Les feux étaient au vert pour tous les critères environnementaux. Nos scénarios ne généraient quasi aucun surcoût. Et malgré les contraintes supplémentaires, une enquête de satisfaction montre que le surcroit de travail était limité en stérilisation. Quant aux médecins gynécologues et sage-femmes, ils retiennent surtout la bien meilleure qualité du nouveau matériel et le sens donné à la pratique qui évite de jeter des pinces métalliques », résume Valérie Sautou à propos d’un travail porté par Steffi Calland dont les premiers éléments ont été communiqués dans le Revue Hospitalière de France en 2023.
Capitaliser sur les colibris
Si le passage au réutilisable pour l’accouchement a représenté un gros bouleversement, Valérie Sautou réfléchit à d’autres évolutions, avec parfois moins de répercussions sur les pratiques, mais pertinentes pour des questions d’échelle. « On va accompagner plus largement des démarches faites ponctuellement dans les services. Un exemple : passer quantités de petits matériels en sachet – comme des cupules, des pinces…- de l’usage unique au réutilisable pour tout, quand c’est possible facilement et que cela génère un impact positif significatif démontré », confie Valérie Sautou.
C’est aussi une manière de rendre visible et donner une dimension institutionnelle à l’important travail réalisé sur le terrain par les « colibris ». Une chose est sûre, Valérie Sautou compte aller sur le terrain pour découvrir tout ce qui se passe et cultiver les énergies éco-responsables déjà en place. Avec une obsession : que la culture RSE ne soit pas seulement soutenue par une poignée de personnes dont les 47 ambassadeurs « Développement durable » du CHU, mais, espère-t-elle, « portée en chacun de nous » !