Marqueur majeur du volet environnemental d’une démarche responsable, la recherche d’achats moins carbonés est désormais devenue une seconde nature pour l’acheteur public. Pourtant, qu’elle relève de la motivation comme de l’obligation, la dynamique rime encore bien souvent aussi avec confusion, complication, voire opposition et même contestation.
Bref, un casse-tête en puissance pour le fournisseur et un casse-pipe potentiel pour l’acheteur. Mais venue des Pays-Bas où elle fait ses preuves depuis maintenant quinze ans, la méthode de l’échelle de performance CO2 (EPC) imaginée par la fondation SKAO devrait enfin tout changer en accordant les deux parties autour d’un seul et même outil, à la fois système de gestion des émissions carbone et instrument de passation des marchés.
Piloter l’amélioration continue des prestataires
Élaborée à la demande des fournisseurs hollandais, l’échelle de performance carbone présente en effet un premier atout, absolument imparable : « ce n’est pas qu’un outil de mesure mais aussi – et peut-être surtout – un outil d’engagement permettant de piloter l’amélioration continue carbone de son ou ses prestataires », s’enthousiasme Guilhem Biancarelli, directeur général adjoint du Resah, en charge du Centre de ressources et d’expertise qui pilote notamment le pôle performance environnementale et sociale du groupement d’intérêt public.
En clair, aucun résultat minimum n’est exigé du fournisseur en amont de la consultation et encore moins un engagement financier puisqu’il ne s’agit que d’une promesse à ce stade … Mais une promesse faisant l’objet d’un critère d’attribution, ou du sous-critère d’un critère RSE.
Un critère d’évaluation et un outil de suivi d’exécution
À l’appui d’un référentiel management carbone spécifique, cinq niveaux de maturité sont observés sur quatre champs : la compréhension du contexte, la réduction des émissions, la communication – interne et externe – autour du sujet et la participation de l’entreprise aux initiatives de décarbonation au sein de son écosystème.
Chaque soumissionnaire ambitionne le niveau de son choix, sa seule contrainte étant d’atteindre ledit échelon sous un délai d’un an à compter de la notification du marché, certification à l’appui délivrée par un des organismes tiers indépendants agréés. L’appel d’offres contient donc, non seulement un critère EPC, mais également une clause de réalisation.
Bien sûr, et à fin de conformité avec la directive européenne, les donneurs d’ordre doivent accepter les certificats de sensibilisation au CO2 ainsi que la preuve sous la forme d’une déclaration de projet ou d’un document équivalent. Par ailleurs, le système s’applique a minima au projet objet du marché.
Expérimentation jusqu’en 2025
« Toutefois, le titulaire a aussi la possibilité d’indiquer dans son offre sa volonté de se faire certifier sur l’ensemble des activités de son entreprise, dont celle en lien avec l’objet du marché », souligne la directrice des affaires juridiques liées à la commande publique du Resah, Virginie Schirmer. Elle poursuit : « Le titulaire disposera dès lors d’un niveau EPC certifié lui permettant de soumissionner à d’autres consultations. »
En quinze ans d’existence aux Pays-Bas, l’EPC utilisée par plus de 300 fonctions achats a donné lieu à la délivrance de près de 1500 certifications, pour 75 % au bénéfice de PME et ce dans tous les secteurs. Avec deux réussites éclatantes : une décarbonation deux fois plus rapide et zéro recours juridique déposé.
Aussi la France se lance-t-elle également aujourd’hui, sous la houlette du cabinet conseil Asea auquel a été confié l’accompagnement de ce déploiement national porté par des expérimentations jusqu’en avril 2025 par plusieurs acheteurs : le Groupe La Poste, l’UGAP, RTE… Et, bien sûr, le Resah, qui a d’ores et déjà passé le premier marché en l’espèce !
Un premier marché EPC signé Resah
Rédigée sous la forme d’une « clause environnementale de progrès en décarbonation » du CCAP, discriminante sans être éliminatoire, la méthode fait ainsi son entrée en France grâce à la centrale d’achat qui l’a incluse dans un récent marché de désamiantage, déplombage et curage. « Le titulaire s’y engage à contribuer à la réduction des émissions de carbone sur la base du niveau du label EPC ou équivalent (descriptif de la méthodologie en annexe) qu’il garantit d’atteindre un an après la notification du marché », explique Fabrice Chedebois, responsable du pôle achat Bâtiment Travaux au sein de la centrale d’achat.
La majorité des 9 candidats a « joué le jeu » et, après une notation déclinée en fonction des niveaux projetés, le marché a été remporté par Valgo qui, « comme les conditions d’exécution le précisent, doit maintenant atteindre d’ici 12 mois le niveau qu’il s’est lui-même fixé, audit et certificat d’un organisme tiers indépendant agréé à l’appui », souligne l’acheteur du Resah. Autant de conditions dont le manquement entraînerait des pénalités.
Mais à la direction du développement commercial pôle désamiantage de Valgo Groupe, Thierry Segal est confiant : « alors que nous sommes déjà engagés dans une démarche écologique, cet instrument novateur pousse à l’excellence dans le cadre d’une clause enfin claire qui encourage plus qu’elle ne force, et la nouvelle relation de confiance ainsi nouée avec le Resah va nous aider à monter en puissance jusqu’à l’échelon attendu. » La centrale va intégrer aussi l’EPC dans ses prochains appels d’offres et les plans de progrès des marchés existants. Une échelle décidément donc bien pensée pour grimper…en performance.