achat-logistique.info : Alors que vous portiez déjà depuis quatre ans la médiation inter-entreprises dont la fusion avec la médiation des marchés publics a créé la médiation des entreprises en 2016, vous venez d’être renouvelé pour la troisième fois à la direction de cette dernière Si vous deviez retenir deux chiffres pour marquer le chemin parcouru depuis vos débuts, quels seraient-ils ?
Pierre Pelouzet : « Sans doute d’abord les 166 médiations réalisées en moyenne chaque mois en 2024, quand les saisines se limitaient à une petite centaine par an en 2012. Mais je mentionnerais aussi, bien sûr, la montée en puissance de la Charte Relation Fournisseurs et Achats Responsables dont le nombre de signataires, parti carrément de zéro, s’élève aujourd’hui à plus de 2800, sans compter les 120 labellisés à ce jour, effectif doublé depuis 2019.
Le secteur public est ici particulièrement exemplaire avec plus de 80 % des achats de l’État labellisés. Qu’ils témoignent donc de notre activité curative ou préventive – deux volets inséparables d’une même ambition au service du dialogue – ces éléments quantitatifs prouvent la formidable progression de nos outils en faveur de nouveaux comportements partenariaux. »
achat-logistique.info : Justement, quels liens peut-on établir entre ces chiffres et l’époque. Alors que la France a connu une forte progression d’entreprises défaillantes en 2024, la médiation des entreprises est-elle devenue un indicateur tangible de l’ambiance économique et sociale du pays ?
Pierre Pelouzet : « Le nombre de saisines enregistré est effectivement symptomatique des tensions qui traversent le tissu économique national, de même que l’absence de flambée corrobore la probabilité d’un effet de rattrapage post-Covid. Et nos données révèlent aussi de nouvelles conduites et pratiques engendrées par la pandémie, prouvant qu’il y a bien « un monde d’après », davantage porté sur la confiance et plus attentif à l’environnement. »
achat-logistique.info : Quelle place tient le secteur de la santé, et plus particulièrement les hôpitaux, dans ce tableau ?
Pierre Pelouzet : « À l’image du Resah, 4 labellisés témoignent de l’engagement du champ sanitaire, parmi les industriels (Sanofi, Novo Nordisk) comme parmi les établissements (CHRU de Nancy). Toutefois, convenons que le chiffre n’est pas à la hauteur du potentiel, le plus souvent faute de pouvoir honorer les délais de paiements attendus. Des efforts collectifs sont donc encore à déployer afin d’assurer aux fournisseurs le même niveau d’accompagnement et de responsabilité que celui dévolu aux patients. »
achat-logistique.info : De fait, comment donc aider les centres hospitaliers à atteindre cet objectif dans le contexte financier et budgétaire qui est le leur, d’autant qu’un projet de règlement européen prévoit de ramener les délais de paiement de 60 à 30 jours maximum pour toutes les entreprises, publiques et privées ?
Pierre Pelouzet : « Commencer par respecter les délais légaux avant de les raccourcir me semblerait préférable, à défaut de quoi les difficultés des uns et des autres risqueraient fort de s’aggraver plutôt que de s’améliorer.
En effet, le retard de paiement moyen s’élève actuellement à 14 jours toutes entreprises confondues, ce qui correspond à une quinzaine de milliards d’euros manquant aux caisses des TPE et PME. Mais mieux faire est possible, même dans les difficultés drastiques de trésorerie auxquelles les institutions sanitaires font aujourd’hui face, notamment en proposant aux fournisseurs une solution d’affacturage inversé collaboratif (lire notre article du 14 septembre 2019)
Contre des intérêts à faible taux, ce dispositif assure aux vendeurs un paiement anticipé, lequel est ensuite, à la date légale, remboursé à l’opérateur intermédiaire (banque, organisme de crédit…) par l’acheteur. C’est un système idéal dans le paysage financier actuel ! »
achat-logistique.info : Idéal mais profondément méconnu…
Pierre Pelouzet : « C’est vrai et c’est pourquoi cette solution fait partie des outils présentés aux entrepreneurs dans le cadre du tour de France des médiateurs entrepris il y a quelques mois avec le médiateur du crédit. L’idée est bien ici de mieux faire connaître aux entreprises en difficulté tous les dispositifs de détection et de soutien existants pour, non seulement dénouer les blocages, mais aussi mieux les anticiper. »
achat-logistique.info : Aux côtés de cette dynamique, quelles seront les autres grandes actions de ce troisième mandat que vous venez d’entamer pour quatre ans ?
Pierre Pelouzet : « La Médiation des entreprises va dans les prochains mois s’attacher à favoriser le dialogue entre grands comptes – privés et publics – et d’autres écosystèmes qui leur sont a priori éloignés, tels les start-up ou les « griffons », ces entreprises implantées dans l’un des 1 500 Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV).
L’idée est à chaque fois d’apprendre à mieux se connaître pour mieux travailler ensemble, comprendre ce qui achoppe et proposer de bonnes pratiques. Dans le même ordre d’idée, nous allons aussi – et pour la 3ème fois – remanier notre guide sur la commande publique afin d’encourager toujours plus d’entrepreneurs à « sauter le pas ».
Enfin, nous sommes fortement impliqués dans le projet de loi de simplification de la vie économique dont l’article 9 porte la généralisation de la médiation dans toutes les administrations… Un joli pas supplémentaire vers des relations ré-humanisées entre entreprises, clients et fournisseurs. »