La dynamique a été enclenchée fin janvier. L’observatoire des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (OMEDIT) de Bretagne a présenté son « diagnostic » de soins éco-responsables, recensement d’environ 80 pratiques remarquables, glanées de ci, de là en France. Les établissements sont, entre autres, conviés à mener au moins deux actions qui s’en inspirent en 2024. L’OMEDIT les certifiera.
Comment être éco-responsable ?
L’origine du projet remonte à mai 2023. « Les professionnels de terrain, pharmaciens, médecins, soignants de blocs, tous utilisateurs de médicaments, nous disaient leur volonté d’être éco-responsables mais ne savaient pas comment faire dans leurs pratiques quotidiennes, raconte Gilles Piriou, pharmacien coordonnateur de l’OMEDIT. Nous en avons interrogé une quarantaine et avons convenu avec eux que dans ce domaine nouveau, nous pourrions leur fournir une liste d’actions déjà entreprises en France qu’ils pourraient adopter, adapter ou dont ils pourraient partir pour donner une nouvelle trajectoire sur le sujet à leurs services. »
« Nous lançons un process, poursuit Gilles Piriou, il n’y a rien de réglementaire, de normatif là-dedans, ni d’obligatoire. Ce n’est que du volontariat qui laisse toute sa place à l’innovation, à l’imagination. L’avantage, c’est que l’opération combine deux valeurs, l’écologie et le collectif, susceptibles de convaincre les professionnels d’embarquer dans l’aventure. C’est une vision très managériale du progrès par le changement de pratiques. »
Trois priorités
L’OMEDIT a identifié trois domaines d’application prioritaires : la limitation d’usage des médicaments, la réutilisation des dispositifs médicaux et la limitation de production de déchets. Ils lui serviront de critères pour déterminer, en définitive si oui ou non les actions entreprises entrent bien dans le champ des soins éco-responsables. Entretemps, il se mettra à la disposition pour accompagner les établissements. En matière médicamenteuse, l’une des grandes propositions est la fin de la prescription « si besoin ».
Exemple avec le paracétamol : 1 g trois fois par jour, si le patient en a besoin. Si le patient ne souffre pas, si ses comprimés ne sont pas consommés à la fin de la journée, ils repartent vers la pharmacie avec un risque élevé qu’ils finissent en déchets. Le remplacement de la dispensation nominative « au besoin » par une attribution du paracétamol au service, à même de le prescrire lui-même au patient, réduit les risques de gaspillage. Second exemple : limiter au strict minimum les lignes de l’ordonnance à l’intention des personnes âgées pour ne pas les surmédicaliser.
Action adaptée à chaque spécialité
Troisième exemple : privilégier l’administration de comprimés plutôt que de médicaments sous forme injectable qui nécessite un flacon, une seringue, une aiguille, un diluant, une poche à perfusion, un cathéter. La dépense de moyens est trop grande. Dernier exemple : remplacer l’usage unique par l’usage multiple du matériel et des dispositifs médicaux.
« Les professionnels trouveront dans notre recensement de nombreux exemples qui les aideront à s’adapter à leurs propres organisations et à leurs spécialités. En gériatrie, on travaillera davantage contre la polymédication, l’abus de la voie injectable que sur l’usage unique, la stérilisation, la consommation de pansements comme le ferait un service de chirurgie. Ils pourront aussi se baser dessus pour couvrir beaucoup de champs de transformation dans une démarche plus globale », précise Gilles Piriou.
Appel à projets d’équipes
L’ARS soutient financièrement l’opération. Il y aura des intéressements pour la trentaine des gros établissements de la Région déjà signataires d’un contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES), s’ils souscrivent à l’indicateur régional « pertinence des soins et éco-responsabilité » de ces contrats, à côté des indicateurs nationaux. Un appel à projets sur le même thème sera, publié fin mars. Ouvert à la centaine d’hôpitaux et cliniques de la Région et au secteur ambulatoire (maisons de santé, cabinets médicaux, etc.). Il sera centré sur les aspects réorganisation du travail.
« Il ne financera pas d’investissement mais du temps, de l’ingénierie, de la concertation pour faire évoluer les pratiques. C’est un appel à projets pour unités de soins, pour équipes de travail. Nous pourrions donc recevoir beaucoup de candidatures. Car, alors qu’ils peuvent être réticents à l’idée de faire encore des économies, les professionnels de santé sont sensibles à l’idée d’éco-responsabilité. Cultiver l’éco-responsabilité est une façon de faire progresser la pertinence des soins. C’est pourquoi nous réfléchissons en ce moment à augmenter le budget alloué à cet appel à projets », indique Fabienne L’hour, chargé de mission qualité à l’ARS Bretagne.