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Le CHUGA impulse le recyclage du thermoplastique des orthèses

Faute d’un soutien des fabricants de plaques de thermoplastique à utiliser pour fabriquer des orthèses, le CHU Grenoble Alpes travaille en partenariat avec une école d’ingénieurs pour se donner les moyens de recycler ce matériau. Une nouvelle filière de récupération des chutes est en train d’émerger.

© CHUGA

Fabriquer certaines orthèses de la main sur-mesure consiste à façonner une plaque de plastique en la chauffant. « Or certaines plaques valent jusqu’à 250€ pièce le morceau de 61cm x 91cm. De plus, c’est un dérivé du pétrole très polluant qui, à ma connaissance, n’est pas recyclé actuellement. On fait alors tout ce qu’on peut pour en utiliser le moins possible, pour réutiliser les petits bouts qui n’ont pas été directement en contact avec le patient », explique Manuel François, masseur kinésithérapeute et orthésiste au service de chirurgie de la main et des brulés du CHU Grenoble Alpes (CHUGA) et en cabinet libéral.

D’où son idée de chercher à donner une seconde vie a minima aux chutes de ces plaques. Pour cela, celui qui est par ailleurs membre de la Société française de la rééducation de la main s’est rapproché de l’école d’ingénieurs Grenoble INP – Génie industriel UGA dont il avait entendu parler pour son savoir-faire en matière d’impression 3D d’attèles pour enfants. Il avait d’ailleurs déjà fait appel à elle pour des visières au pic de la pandémie de COVID-19.

Chauffé et liquéfié

Les élèves ingénieurs autour de la presse chauffante

Comme il existe de nombreuses marques de thermoplastique, et donc quantité de couleurs, de caractéristiques physiques en termes de mémoire de forme, d’élasticité, etc, la recherche s’est, pour commencer, concentrée seulement sur l’un de ces produits, le PolyflexTM de la marque Rolyan, pressenti comme étant le plus simple à recycler.

Ainsi les élèves ingénieurs ont conçu un broyeur pour le plastique, puis un moule et une presse chauffante. Dans cette dernière, aux allures d’un gros gaufrier, les copeaux issus des chutes sont chauffés pour les liquéfier et leur faire reprendre la forme d’une plaque. La démarche a été distinguée et dotée de quelque 1200 € dans le cadre du premier à appel à projets « Transition écologique » du CHUGA.

Un réseau en formation

Manuel François

Le CHU a sensibilisé les orthésistes de la région afin qu’ils puissent à leur tour mettre de côté les morceaux non utilisés. « Déjà 80 professionnels sont enclins à s’inscrire dans cette démarche, selon un sondage mené par des étudiants de l’IAE », précise Manuel François. L’idée pourrait être, à court terme, de récupérer leurs chutes, par exemple en les faisant acheminer par le patient lui-même à l’occasion d’une consultation au CHU.

Plus largement, « l’objectif serait de créer des petites structures un peu partout en France et de fournir un mode d’emploi pour que d’autres puissent recycler, avec des Fab Labs, localement. De fait, sur un grand territoire, ce serait peut-être plus difficile en matière de logistique de collecte et de redistribution des thermoplastiques précise l’orthésiste dans une logique d’éco-responsabilité.

Déjà au sein du CHU, les chutes de Polyflex sont récupérées et triées, ce qui nécessite du temps de manutention pour éviter les mélanges avec d’autres thermoplastiques. Et pour l’instant, elles y sont stockées car, si la technique pour recycler est aboutie, le processus actuel est encore trop lent pour le mettre en place à grande échelle. Accélérer la cadence notamment sur les phases de chauffe et de refroidissement, constitue l’un des objectifs de l’année de l’équipe de l’école d’ingénieurs qui planche sur le projet.

Avec ou sans les industriels ?

L’objectif final est de pouvoir réutiliser également le matériau qui a servi à un patient. Reste à affiner la technique pour un produit sans risque avec une traçabilité et une hygiène irréprochables, et à l’industrialiser. Une démarche que les industriels pourraient prendre à bras le corps dans le cadre d’une démarche éco-responsable mais qui remettrait en cause leur modèle économique actuel.

D’ici là, tous les participants à cette chaine de recyclage pourraient par exemple être sollicités pour une participation financière pour obtenir des plaques à un prix qui sera « loin » de celui de l’industriel, selon Manuel François. « Et pourquoi pas faire signer des marchés incluant le recyclage des thermoplastiques ? Et si ce recyclage n’est pas réalisé par la firme, pourquoi pas lui demander une compensation financière qui permettrait de créer une filière locale ?  ». L’idée est lancée.

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