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Le CH de Luxembourg révèle l’image carbone de ses équipements d’imagerie

Près de 19 500 tonnes de CO2 pour 28 millions d’échographies, 10 500 tonnes pour 5 millions de scanners… En juin dernier, le Comité éco-responsabilité de la Société française de radiologie livrait les chiffres de l’impact environnemental de l’imagerie. Mais quelle différence d’une technique à l’autre ? Étape par étape, le centre hospitalier de Luxembourg a scanné chaque type d’examen pour livrer son diagnostic.

© CH Luxembourg

Alors que 70 % des émissions carbone du secteur de la santé proviennent de la chaîne d’approvisionnement, quelle part y prennent les équipements médicaux et plus particulièrement encore les équipements d’imagerie ?

Responsable de la cellule d’ingénierie biomédicale du CH de Luxembourg, lequel compte un service de radiologie réunissant notamment 2 scanners, 3 IRM et 4 des 80 échographes de l’institution en gestion de parc (lire notre article du 30 novembre 2022), Valérie Boissart a voulu connaître la quantité exacte de CO2 généré par chacune de leur utilisation. « Non pas pour se flageller, mais pour chercher à améliorer la situation », explique-t-elle d’entrée.

L’imagerie en manque de facteurs d’émission

© Epictura

Pour être fastidieuse, l’opération semblait a priori dépourvue de difficulté : « en effet, en se basant sur une durée de vie de dix ans, il s’agissait juste de convertir tous les flux des matériels concernés en équivalent carbone (CO2e) selon la méthodologie prescrite par l’Ademe », pose la professionnelle. Seulement voilà, la réalité va s’avérer plus complexe !

« D’abord parce que la question des périmètres, essentielle à la rigueur des calculs, n’est jamais la même et qu’il s’agit donc de convertir les données existantes avant de les corréler », détaille-t-elle. Plus ennuyeux encore : « le secteur de l’imagerie s’est avéré passablement ignoré du répertoire des facteurs d’émission, ce qui nous a contraints à accommoder aux modes de production énergétique luxembourgeois les datas dénichées dans la littérature australienne », rapporte l’ingénieure biomédicale.

11 000 arbres pour effacer l’ardoise

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Dès lors, les chiffres s’alignent. Rapportées à 100 examens pour plus de lisibilité, les différences sautent aux yeux : quand l’échographie n’émet que 26 kg CO2e (soit l’équivalent de 117 km en voiture) et la radiographie 37 kg CO2e (167 km), le scanner « pèse » déjà 450 kg CO2e (2036 km) et l’IRM carrément 853 kg CO2 (3860 km).

Valérie Boissart image : « Sachant qu’un arbre absorbe 30 kg de CO2par an, il faut donc 1 arbre pour compenser 100 échographies, 2 arbres pour 100 radios, 15 arbres pour 100 scanners et une petite forêt de 30 arbres pour 100 IRM. ». Pondéré au nombre d’examens annuels pratiqués dans chacune des modalités, le « poids carbone » total du service est ainsi révélé pour l’année 2023 : 323 266 kg CO2/an, une dette environnementale dont l’effacement requerrait donc près de 11 000 arbres ! L’étude livre enfin sa dernière surprise : un volume d’imagerie par scanner in fine plus polluant que celui réalisé par IRM (146 903 kg CO2/an contre 1 38 672 kg CO2/an).

Le constant enfin posé, reste à agir. Il n’est évidemment pas question de proscrire l’IRM en raison de son fort pouvoir polluant, ni de limiter les scanners dès lors qu’ils sont nécessaires. « Mais, en attendant que les facteurs d’émission soient disponibles chez les fabricants pour permettre aux acheteurs d’évaluer les technologies sur un critère écoresponsable pertinent, ces chiffres doivent déjà permettre d’apprécier les choix d’imagerie dans le cadre d’un dialogue responsabilisé entre soignants et patients, par exemple en positionnant plus souvent l’échographie en première intention », évoque Valérie Boissart.

Un jeu on ne peut plus sérieux

S’employant donc à ce que tous aient ces données bien en tête à l’heure des options, celle qui se veut « plus lanceuse d’alerte qu’influenceuse » a imaginé – pour ce faire – un poster très parlant. Ponctuellement exposé lors des Journées Françaises de Radiologie qui se déroulaient début octobre à Paris, ce panneau de sensibilisation se voit désormais installé en permanence en salle d’attente de la radiologie pédiatrique luxembourgeoise, à la demande de la cheffe de service.

© CH Luxembourg

Et, dans le cadre de la Semaine  annuelle de la sécurité des patients, la scientifique a également imaginé un jeu des 7 familles qui associe aux 7 offres d’imagerie possibles (IRM, scanner, radio, échographie, médecine nucléaire, PET scan, lithotritie) leurs photos, clichés, risques et impacts carbone respectifs. Car « devenir responsable, c’est d’abord être conscient », assurait-elle, tandis que son étude sur l’empreinte carbone comparée des modalités d’imagerie remportait le 2ème prix du BM d’Or (Biomédical d’Or) lors des 28èmes Journées d’ingénierie biomédicale organisées à Strasbourg début octobre.

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