Comme les autres secteurs d’activité, le système de santé pollue. Il serait même la 5e source planétaire d’émission de gaz à effet de serre. Les moyens mis en œuvre pour contrecarrer l’épidémie de Covid-19 n’ont pas vraiment arrangé la situation. Et l’approche développement durable a souvent été délaissée. « On a mis un mouchoir sur nos principes », admet bien volontiers un directeur des achats.
L’intensification des opérations de nettoyage dans les établissements de santé, avec le recours massif aux biocides, aura, par exemple, forcément des contrecoups. En octobre, à l’occasion d’une conférence organisée par le C2DS, le docteur Philippe Carenco, médecin hygiéniste au CH de Hyères, a souligné que les effluents de ces produits étaient nocifs pour l’environnement, notamment la biodiversité, et responsables de maladies professionnelles, en particulier respiratoires – comme l’asthme – et dermatologiques.
Réduire l’utilisation des biocides
Le professionnel de l’hygiène a milité pour un usage « raisonné » avec une régulation de ces produits. En PACA, 260 établissements sont parvenus à réduire de 50 % l’utilisation des biocides dans le cadre d’un plan régional santé environnement, a illustré Philippe Carenco. Car d’autres techniques existent : microfibre, méthodes mécaniques sans produit chimique, produits biosourcés, d’origine végétale ou probiotique. Autre répercussion de la pandémie : l’explosion de la consommation des EPI qui a amené de nombreux hôpitaux à s’interroger sur le modèle de l’usage unique et le coût de la réintroduction de textiles.
Arrêter de chauffer les blocs opératoires inoccupés
Pour les membres du C2DS, il est possible de changer les choses de manière pérenne. Les blocs opératoires peuvent modifier leurs pratiques pour limiter les retombées, en sachant qu’une anesthésie occasionne, à elle seule, 160 kg de CO2. Le docteur Jane Muret, anesthésiste-réanimatrice à l’Institut Curie, présidente de la commission développement durable de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), a insisté sur la possibilité d’arrêter la ventilation et le chauffage des blocs lorsqu’ils sont inoccupés (40 % du temps), de quoi réduire considérablement la facture énergétique.
Mieux trier les déchets
Anesthésiste-réanimatrice à l’hôpital Lariboisière, sa consoeur Lamia Kerdjana a donné l’exemple de lames de laryngoscope métalliques, qu’on introduit dans la bouche des patients pour faciliter l’intubation, et qui sont jetées à la poubelle, alors qu’elles pourraient être réutilisées ou revalorisées, ou des ciseaux, dont la seule fonction est de couper le cordon ombilical des nouveaux nés, et qui finissent également aux ordures. La gestion des DASRI est un sujet en soi. Mieux trier est l’une des solutions car l’élimination des déchets infectieux coûterait 4 à 6 fois plus chers que les déchets standards. Selon l’association, le taux de DASRI atteindrait en moyenne 60 % dans les blocs, alors que l’Organisation mondiale de la santé en préconise 15 %.
Des mesures incitatives pour faire bouger les choses
Le C2DS est convaincue des bienfaits d’une meilleure formation et information des personnels soignants et des professionnels de l’hôpital à des méthodes de travail plus respectueuses de l’environnement. Elle défend aussi plusieurs idées capables de faire bouger les choses, dont l’intégration de critères d’éco-conditionnalité à l’obtention de financements publics, la baisse de la TVA applicable à des produits de qualité (matériaux de construction sans composés organiques volatils), la défiscalisation du tri sélectif pour récompenser les établissements les plus vertueux, ou le caractère obligatoire des critères environnementaux dans le cadre de la certification par la Haute Autorité de Santé, et la création d’un fonds dédié à la rénovation énergétique hospitalière. Avec une ambition forte en matière de santé environnementale, un pilote unique désigné par l’Etat et un « jalonnement », le « chemin ira très vite », a assuré François Mourgues, le président de l’association.