Quantité de kits préparés par le service de stérilisation comprennent des instruments là « au cas où », voire obsolètes… C’est ce qui ressort de l’analyse des instruments stérilisables demandés par les blocs de l’Hôpital Cochin Port-Royal. « Si la stérilisation a longtemps été prise en charge bloc par bloc, elle est centralisée depuis les années 90. Depuis, le pharmacien de stérilisation a pris le leadership sur cette gestion. Or les IBODE avaient du mal à ne plus demander certains instruments par crainte de manquer. Ça peut toujours servir, entend-on au bloc… Or ainsi on continue à stériliser des choses inutilisées », explique Quentin Misandeau, dernièrement pharmacien assistant spécialiste à Cochin dans le service de Damien Talon, pharmacien responsable de l’unité de stérilisation centrale au sein de cet établissement parisien de l’AP-HP.
Traque des instruments stérilisés non utilisés
Le jeune pharmacien a pu mener une étude à propos de « l’optimisation des compositions d’instruments et des systèmes d’emballage », retenue à la suite d’un appel à projets interne en faveur du développement durable, dans le cadre du plan stratégique de l’AP-HP 2021-2025. « Mon travail a consisté à faire en sorte que les instruments stériles dans les espaces de stockage de chaque bloc soient vraiment utilisés et non stérilisés inutilement par nos agents, et à optimiser les emballages des instruments stérilisés », explique Quentin Misandeau.
Avec le logiciel du service de stérilisation, a été calculé le taux de rotation des boites et instruments individuels au sein du stock de chaque bloc. Le constat : certaines boites y dormaient le plus souvent. Ainsi plus de 2000 instruments ont pu en être retirés. En arrêtant de fournir les instruments non utilisés à partir de mars 2022, « la masse des déchets de stérilisation a diminué de 14 % en un an entre juillet 2022 et juillet 2023 ».
Moins d’instruments dans les kits
En organisant des échanges avec les chirurgiens pour les sept spécialités chirurgicales de Cochin réparties sur 35 salles d’opération, le service de stérilisation a pu réaliser que les pratiques avaient évolué. Ou carrément été abandonnées au point de rendre inutiles certains instruments traditionnellement dans les kits ! D’où l’idée de revoir le contenu des compositions pour plus de pertinence. « On a essayé de supprimer les instruments utilisés très rarement ou plus du tout », explique Quentin Misandeau, malgré la difficulté à trouver des consensus avec des chirurgiens aux pratiques disparates.
Un tri a quand même été réalisé sur 10 % des compositions existantes (environ 200 sur 2000). Un exemple : la boule de coagulation, la canule d’irrigation/aspiration et une pince de Babcok de coelioscopie ont été retirés des compositions de cœlioscopie digestive. « Les instruments retirés sont des dispositifs médicaux (DM) désormais utilisés en usage unique et qui n’avaient jamais été retirés des compositions (en passant au jetable). C’est le cas des canules », remarque Quentin Misandeau. Jusque-là personne n’avait fait éviter ce doublon.
Une pénibilité moindre
Résultat du tri : moins d’instruments sont stérilisés inutilement. Ce sont autant de DM qui ne reviennent pas « périmés » au service de stérilisation en donnant aux équipes l’impression d’avoir travaillé pour rien. La sélection a également permis de diminuer le poids des boites, parfois lourdes dans un hôpital pavillonnaire où le transport s’organise en sous-terrain. C’est mieux pour l’organisme des agents qui les manipulent.
« En plus de donner du sens au travail des agents de stérilisation qui reçoivent quantité d’instruments périmés (qui n’a pas pu être mesurée, NDR) parce qu’inutilisés, cette prévention des troubles musculosquelettiques nous a motivés », explique Quentin Misandeau. « De même, les discussions ont permis de récupérer quelque 200 conteneurs (les contenants dans lesquelles sont entreposés les kits, NDR) qui dormaient ça et là depuis des années. Ce qui a permis d’éviter d’en racheter autant ».
Des emballages allégés
La stratégie concernant les emballages après stérilisation a été encore plus audacieuse. Pour les 60 services de soins de Cochin qui ne sont pas des services de chirurgie, l’utilisation du double sachet a été remise en cause. « C’est une pratique assez standard car la norme 11607 impose un système de barrière stérile plus un emballage de protection », reconnait le pharmacien. « Nous avons considéré qu’on utilisait déjà un grand sachet en plastique transparent qui servait d’emballage de protection d’où notre choix de retirer le deuxième sachet ou la deuxième gaine (emballage plastique pré-soudé d’un côté, NDR) mis au conditionnement comme double système de barrière stérile ».
Conséquence de ce changement d’interprétation de la norme, quelque 22 000 instruments ont vu leurs habits de plastique diminuer de moitié en 2022. Soit 31 % des instruments ! « Ce choix a aussi permis une diminution du temps nécessaire à la stérilisation et des achats », remarque Quentin Misandeau. La tactique a été payante : elle a permis une baisse de 14 % des dépenses sur le poste « sachet et gaine », selon l’étude par ailleurs présentée au septième Congrès de la Société française des sciences de la stérilisation (SF2S).