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L’impact environnemental d’une fracture du métacarpe

Une analyse du cycle de vie (ACV) menée à l’Hôpital de la Timone à Marseille (AP-HM) montre l’importance de considérer une chirurgie de fracture du métacarpe en fonction de la totalité du parcours de soin, pour en déduire son impact environnemental. Sans surprise, une intervention qui ne prévoit pas le retour systématique du patient pour un seconde acte, est toujours le choix le plus écoresponsable.

© AP-HM

Opérer une fracture du métacarpe en une seule intervention impacte beaucoup moins la planète qu’en deux interventions. Encore fallait-il le démontrer. C’est chose faite pour l’Hopital de la Timone à Marseille. Là, plutôt que d’étudier la seule anesthésie pour la rendre écoresponsable, Rémy Jond, médecin anesthésiste réanimateur interne, a choisi de comparer l’impact environnemental des parcours de soin dans leur totalité.

Concrètement, sa thèse a porté sur l’analyse du cycle de vie (ACV) des parcours pour trois techniques chirurgicales ambulatoires de traitement d’une fracture de métacarpe : l’embrochage centro-médullaire, l’embrochage intermétacarpien et le vissage de plaque. Selon les protocoles suivis pour ces soins de la main à La Timone, avoir recours à une broche nécessite de faire revenir systématiquement le patient, pour retirer cette dernière, contrairement au protocole avec une plaque.

S’organiser pour recenser les données

© AP-HM

Pour en arriver à cette conclusion, le jeune médecin a réalisé la collecte de quelque 500 lignes de données nécessaires à une ACV, du passage aux urgences jusqu’au transport du patient guéri de retour à domicile. Toutefois, certaines data ont été exclues comme le lieu de fabrication des dispositifs médicaux (DM) faute d’être communiquées par le fabricant, ou le transport des soignants qu’il aurait fallu prendre en compte pour quantité d’intervenants : radiologues, infirmiers, chirurgiens etc.

L’objet de l’étude, menée sur 18 critères environnementaux, dont le changement climatique estimé en kgCO2e, a été scindé en cinq étapes (extraction des matières premières, fabrication, distribution, utilisation et fin de vie). L’analyse de ces data a été réalisée par la société spécialiste Primum Non Nocere, dont le travail a été financé par une subvention de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH).

Evaluer les ajustements écoresponsables

Pour aller plus loin, l’équipe de La Timone a modélisé ses trois parcours en version éco-responsables, tout en conservant des résultats cliniques équivalents. Et ce, en ciblant l’impact du transport des patients, l’habillage, la perfusion, l’anesthésie, la détersion chirurgicale (nettoyage de la zone opérée), l’antalgie post-opératoire et le réchauffement du patient.

Ainsi les hypothèses ont consisté à passer à téléconsultation post-opératoire dans 40 % des cas, à l’antalgie non plus post mais préopératoire par voie orale avec peu d’eau ; à des tenues lavables pour le patient ; au port de gants non stériles pour la pose de cathéter veineux périphérique (CVP), au financement d’un ticket de transport en commun pour limiter l’usage de la voiture individuelle pour le patient etc. Une seconde ACV a été réalisée en tenant compte de ces ajustements possibles.

Le premier ACV montre que l’embrochage affiche le bilan le plus lourd. Le parcours avec vissage de plaque émet 78 kg CO2e (dû pour 80 % aux transports des patients, aux dispositifs à usage unique (DMU) et aux contenus des ordonnances), contre 126 ou 127 pour les embrochages.

Baisse de 25 % des GES

Rémy Jond

« Même si la deuxième intervention, celle de retrait de matériel, ne dure que quelques minutes, sous anesthésie locale, faire revenir le patient, lui fournir une tenue, mobiliser du personnel et des instruments, etc. Tout cela fait qu’elle impacte quasiment autant que la première pour la pose de la broche ou de la plaque », analyse Remy Jond. D’où sa conclusion : « Quelles que soient les pratiques d’un établissement, il faut penser en parcours de soin ». Autre enseignement : l’application des mesures d’écoconception ont chaque fois diminué l’empreinte carbone, et ce, dans les 3 parcours de soin.

Aussi l’étude conclut qu’opter pour la plaque quand c’est possible ainsi que pour les versions éco-responsables des 3 parcours de soin, permettrait de «  libérer 14 créneaux opératoires, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 25 %, et d’économiser plus de 20 000 € chaque année, dans notre seul hôpital de la Timone », détaille Rémy Jond. Une conclusion qui pourrait visser de nouveaux réflexes dans les établissements opérant les fractures métacarpiennes.

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