D’un côté, des ateliers adaptés dont les équipements de couture sommeillent depuis la fin de la pandémie, de l’autre des Ehpad qui, malgré la plus-value environnementale de la pratique, rechignent à passer aux protections lavables par manque de ressources, humaines et financières…
À la direction de Terre de couleurs, blanchisserie dont les 30 salariés en situation de handicap servent particuliers, hôtels et Ehpad (1 million d’euros de chiffres d’affaires), Vincent Brouillaud a la formule : « et si les premiers fabriquaient des protections plus responsables qui seraient louées aux seconds ? »
Jusqu’à 300 lavages
© Terre de Couleurs
Distingué dans le cadre de l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) 2024 dédié à la transition environnementale dans le secteur de la santé en Nouvelle-Aquitaine, le concept s’avère une somme d’innovations. D’abord le produit lui-même, une culotte sécurisée, moins stigmatisante que les changes complets et destinée aux incontinences diurnes légères qui touchent 30 % à 40 % des quelque 500 résidents dont le linge est déjà lavé par Terre de Couleurs.
Composé d’un insert latéral de microfibres de bambou, de polyester et de viscose superposées en plusieurs couches (tissu ZORB® importé du Canada), ce nouveau dispositif offre des performances d’absorption et d’imperméabilité exceptionnelles, garanties jusqu’à 300 lavages. Grâce à l’AMI, son éco-conception comme son prototypage se voient d’ores et déjà accompagnés par l’Ademe.
Une location sans perte
© Terre de Couleurs
Le système de location ensuite. À l’image de ce qui se fait pour l’hôtellerie, il reporte sur Terre de Couleurs les coûts d’investissement et d’immobilisation traditionnellement supportés par les Ehpad, la blanchisserie se préparant ainsi à acquérir plus de 2500 sous-vêtements.
« Pour les établissements, les économies sont notables, même au regard des dispositifs jetables : quand une culotte d’incontinence lavable classique peut coûter jusqu’à 60 euros l’unité, Terre de Couleurs proposera une location au lavage pour un coût inférieur ou égal à celui d’une protection jetable, lequel oscille entre 60 et 90 centimes », expose le dirigeant de l’entreprise. Assorti de sacs spécifiques, un circuit de collecte dédié complètera les trois tournées actuellement existantes (linge résidents, linge plat, éponges).
3 litres d’eau économisés par kilo lavé
Vincent Brouillaud ©Terre de Couleurs
Le volet environnemental n’a pas non plus été évacué, notamment la question de l’empreinte hydrique, généralement première victime du passage de l’usage unique au réutilisable malgré la limitation des productions et déchets.
La parade ? Une lessive 100 % made in Corrèze sans résidus, donc ultra rinçable et qui, à ses ingrédients lavants biodégradables, associe un agent assouplissant. Résultat : « un coût global diminué de moitié et une étape de lavage carrément supprimée soit, pour un kilo de linge, 9 litres d’eau consommés contre 12 litres auparavant », s’enthousiasme Vincent Brouillaud.
La part belle aux entreprises adaptées
Enfin, fidèle au champ social qui le voit aujourd’hui prendre forme, le projet fait la part belle aux entreprises adaptées dont le réseau portera entièrement la fabrication, en Corrèze et ailleurs. Une franchise dédiée au secteur social pourrait même être imaginée sur l’ensemble du territoire, scellant une dynamique d’achat à haute plus-value responsable.
« Mais tout va maintenant dépendre de la phase test qui débute dans deux Ehpad locaux à partir de plusieurs prototypes », souffle Vincent Brouillaud. Une expérimentation évidemment conduite sous le sceau de la confidentialité… Sans doute pour éviter les fuites.
