Au sol, sur le mobilier, « le chewing-gum était trop visible au sein du collège tout comme dans beaucoup d’établissements scolaires et d’espaces publics », se souvient Marilyne Pugniet, secrétaire générale au collège Paul Valéry de Valence. Dans cet établissement public accueillant 430 élèves, le plaisir gustatif des uns a, en effet, longtemps fait le fléau administratif des autres, « une cour parsemée de ces déchets et des « opérations grattage », dans les salles et escaliers qui occupaient les agents d’entretien de trop nombreuses heures durant les vacances scolaires », rapporte l’adjointe au chef d’établissement.

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Selon certaines études, un chewing-gum coûterait même trois fois plus à enlever qu’à acheter, jusqu’à 1,70 €/m2. « Si l’on ajoute à ce tableau l’hérésie environnementale consistant à jeter aux ordures ménagères les rescapés, donc à enfouir leurs centaines de composants chimiques (caoutchouc, résine, polymères…) pour des décennies, il devenait vraiment urgent de trouver une solution », conclut la responsable.
De la pâte à mâcher à la pâte à chauffer
Porté par les éco-délégués avec le soutien de Caroline Cernik, professeure de sciences et vie de la terre (SVT), le projet s’enclenche. Avec ces exigences : « une solution sans surcroît de travail pour les agents, des coûts supportables, une plus-value environnementale digne de notre certification « éco-collège » et une opérationnalité rapide afin que les élèves pilotes, nommés pour un an, voient le résultat », énumère Marilyne Pugniet.
Le sourcing, lancé dans la foulée par les éco-délégués et Caroline Cernik, va révéler deux prestataires potentiels pour ce qui est du traitement des chewing-gums, dont un situé en Angleterre qui transforme lesdits déchets en objets. Mais seul le français Keenat répondra aux sollicitations, cochant tous les attendus : déjà spécialisée dans le traitement de déchets spécifiques tels les mégots (lire notre article du 2 décembre 2024) et les masques, la société à impact social vient justement de s’attaquer au chewing-gum avec la solution Freegum, récemment référencée au Resah.
Collectées dans des bornes spécifiques, les pâtes à mâcher sont valorisées en combustible solide de récupération (CSR) dont la désintégration ultérieure, sans résidu ni fumée, dans des fours à plus de 1000°, alimente des réseaux de chaleur.
800 chewing-gums par sachet

© collège Paul Valéry Valence
Le marché – aux alentours de 1500 euros, hors renouvellement des sacs mais kit de communication compris – est réalisé de gré à gré, une « Gum’Box » installée aux 5 entrées du bâtiment ainsi qu’aux abords de la fontaine à eau. Dans chacun de ces conteneurs est placé un sachet de 0,8 litre contenant environ 800 chewing-gums, Keeenat se déplaçant lorsque le fût de stockage, également fourni à cet effet, contient une quinzaine de sachets…
« Soit à peu près une fois par trimestre », calculent Marilyne Pugniet et le responsable technique de l’établissement. Et pour les indélicats ayant outrepassé l’interdiction, 10 collecteurs individuels sont également dispatchés dans les classes.
Les éco-délégués effectuent pour l’instant la phase d’ajustement, de comptage et d’observation du rythme de remplissage des poubelles. La toute première pesée, le 18 octobre 2024, à la veille des vacances, indique une collecte de 500g ce qui correspond à quasiment autant de chewing-gums prêts à être revalorisés.
5 chewing-gums par semaine !
En quelques semaines, les premiers résultats semblent donc déjà là, « davantage de propreté, et évidemment moins de pollution », avance la secrétaire générale… Depuis que les élèves ont identifié les points de collecte et leur intérêt, ils ont même été à l’initiative de l’installation d’une nouvelle « Gum’Box » qui leur semblait nécessaire.
Alors qu’une confiserie sur trois vendues en France est un chewing-gum, faisant de l’Hexagone le deuxième consommateur mondial de gomme derrière les États-Unis avec 5 chewing-gums mâchés par semaine et par habitant, la question vaut donc vraiment qu’on s’y attache.