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Bilan carbone du paracétamol : l’injection bien plus impactante que la voie orale

Une étude internationale vient de montrer les différentes empreintes carbone du paracétamol selon sa galénique. L’injection étant bien moins respectueuse de l’environnement, elle constitue un nouveau signal pour modifier les pratiques.

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Il n’y a plus de doute : faire avaler un comprimé de paracétamol a une empreinte carbone nettement moins importante que d’injecter ce principe actif via une perfusion. Une étude sur les impacts environnementaux et financiers de l’utilisation du paracétamol en péri-opératoire, publiée en janvier dans le British Journal of Anesthesia, montre un rapport de 1 à 16 selon que le médicament est présenté par voie orale ou intraveineuse. Et ce, surtout du fait du packaging et du matériel associé.

Une première étape

L’étude, fondée sur la base d’audits menés dans une trentaine d’établissements hospitaliers en Australie, au Royaume-Uni et Etats-Unis, établit que le paracétamol oral dégage 38g de CO2 pour une dose d’un gramme en comprimé, son équivalent liquide 151g et la version injectable 310g, voire 628g selon qu’elle est conditionnée en plastique ou en verre (soit du simple au double !).

« Comme beaucoup d’analyses de ce type, notamment sur l’empreinte carbone, ce sont les ordres de grandeur qui sont intéressantes à retenir bien plus que les chiffres précis. Même si la méthodologie du calcul d’un impact carbone est rigoureuse, elle se base malgré tout sur un certain nombre d’hypothèses présentant des biais certes mais reportés sur tous les médicaments comparés », rappelle Lise Durand, pharmacienne au CHU de Rennes, impliquée dans le Cercle Santé de l’association des Shifters et au sein du groupe de travail sur les enjeux d’éco-responsabilité en santé de la Société française de pharmacie clinique (SFPC).

Le conditionnement primaire responsable

« Ces résultats ne sont pas vraiment surprenants mais l’étude permet d’objectiver l’empreinte carbone plus importante de la voie IV (NdlR intraveineuse) d’une manière générale versus la voie orale. D’ailleurs on peut probablement élargir les conclusions de cette étude à de nombreux autres médicaments disponibles sous plusieurs formes galéniques entre voie orale et IV. De fait ces résultats corroborent ceux d’une étude pionnière publiée en 2016 sur l’impact carbone de la morphine ». L’étude sur le paracétamol montre aussi des différences importantes selon les emballages.

« C’est le conditionnement primaire (contenant) qui est largement responsable de l’impact carbone (fabrication et gestion des déchets), vient ensuite le matériel nécessaire à l’administration (seringue pour administration orale ou set de perfusion). La formulation du médicament (mélange du principe actif et des excipients) ne diffère pas d’une forme galénique à l’autre », résume la pharmacienne.

Et après ?

Les établissements hospitaliers ont désormais à disposition ces nouveaux éléments pour reconsidérer leur utilisation d’un médicament ultra courant. « C’est un argument supplémentaire pour favoriser autant que possible la voie orale », remarque Lise Durand. Cela dit, ce réflexe est déjà largement encouragé par les pharmaciens hospitaliers notamment « en mettant en place des relais per os dès que possible en post-opératoire, pour également limiter le risque infectieux, le coût, les déchets pour lesquels on sait déjà l’intérêt du per os pour le paracétamol et autres antalgiques, les antinauséeux, certains antibiotiques, etc », ajoute la pharmacienne qui souligne aussi la « marge d’amélioration » possible en observant dans l’étude que le pourcentage de prescription IV, parmi celles de paracétamol, s’établissait, selon les établissements, d’environ 5 % à 95 %.

Autrement dit, l’hôpital va pouvoir aller plus loin. « Ce sont de nouvelles pratiques de terrain à encourager, des nouveaux protocoles à probablement rédiger, avec une implication de toutes les équipes, au-delà du médical, avec les infirmiers, les IADE (infirmiers anesthésistes) et les patients. Ce sont typiquement des sujets qui peuvent être portés par les commissions du bon usage du médicament, les Commissions du médicament et des dispositifs médicaux stériles (Comedims) » estime Lise Durand.

Des achats repensés ?

Concernant les achats, l’hopital aura toujours besoin de disposer du panel de formes galéniques disponibles pour répondre à tous les cas. « Mais la connaissance de l’empreinte carbone ouvre la réflexion sur les conditionnements », insiste Lise Durand. « On doit pouvoir privilégier l’emballage le moins impactant. D’après cette étude, sur le critère de l’impact carbone, le plastique est moins impactant que le verre. Cela dit, il y a un vrai sujet sur le verre, puisqu’aujourd’hui le verre médical ne se recycle pas, l’impact global serait peut-être à considérer différemment si on arrivait à mettre en place une filière dédiée », ajoute la pharmacienne qui estime qu’il va falloir revoir les cahiers des charges mais aussi la règlementation.

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