un journal proposé par le Resah

Accouchements : le CHU de Clermont-Ferrand revient aux DM réutilisables

Grâce à une étude comparative menée par le Dr Steffi Calland, pharmacienne, la maternité de l’hôpital auvergnat va abandonner cet automne les trousseaux à usage unique pour les accouchements par voie basse, épisiotomies et sutures. À peine plus cher, le réutilisable est bien meilleur dans le domaine environnemental et moins stressant à gérer pour l’ensemble des acteurs de la chaîne, des acheteurs aux soignants.

Salle d'accouchement © CHU Clermont-Ferrand

Aujourd’hui, la maternité du CHU de Clermont-Ferrand n’utilise que des DM à usage unique pour les accouchements (3600 par an). Mais cet automne, une petite révolution aura lieu puisque ces instruments seront remplacés par du matériel réutilisable, avec un pack mis au point avec l’aide des chirurgiens obstétriques et des sages-femmes. Un retour en grâce dû pour partie au travail mené par le Dr Steffi Calland du pôle pharmacie de l’hôpital, dans le cadre de sa thèse. La praticienne a comparé les impacts des deux solutions en termes économique, écologique et social.

Deux facteurs ont donné l’occasion de réfléchir aux pratiques : la démarche de labellisation THQSE de la maternité auvergnate et l’ouverture d’une nouvelle unité de stérilisation. Faut-il continuer en 100 % usage unique ? Afin d’objectiver le choix, le Dr Calland mène l’enquête. Deux scenarii sont décrits. D’un côté l’organisation existante avec trois packs jetables pour l’accouchement, l’épisiotomie ou la suture.  Et de de l’autre le recours à un plateau d’instruments réutilisables contenant le quasi-nécessaire pour les trois actes. Resteront en usage unique quoi qu’il arrive certains DM (clamp de Bahr et tampon vaginal) et le drapage (champs et compresses).

64 centimes d’écart par intervention

Pour chaque scenario, une étude de coût la plus complète possible est réalisée : prix d’acquisition, dépenses liées à l’élimination des déchets, ainsi que les charges afférentes à la logistique (coût de la passation des commandes, du stockage…). Les frais de pré-désinfection et de stérilisation sont ajoutés pour le réutilisable. Bilan : 85 197 euros annuels pour les DM à usage unique, 87 450 pour les DM réutilisables. Soit un différentiel de 64 centimes par intervention (24,22 € contre 24,86 €).

Steffi Calland

Afin de mesurer les conséquences environnementales, la pharmacienne collecte les données pour les deux scenarii : composition des instruments, modes de fabrication, utilisation en eau et en énergie de la stérilisation… Une analyse du cycle de vie est menée avec l’aide de l’agence Primum non nocere. « On ne s’est pas contenté du bilan carbone mais on a pris en compte 17 indicateurs comme l’écotoxicité terrestre et marine, l’écotoxicité humaine, les formations de particules fines, ou encore les consommations de ressources naturelles… », insiste le Dr Calland.

Cinq fois moins d’eau consommée pour le réutilisable

Le résultat est sans appel. L’impact du réutilisable est plus faible 17 fois sur 17. Trois fois moins d’émission de gaz à effet de serre : 12 tonnes de CO2 contre 38 tonnes pour l’usage unique. Cinq fois moins d’eau consommée ! (240 m3 contre 1300 m3). L’étude met en lumière des absurdités écologiques. Venus des quatre coins de la planète (Pakistan, Chine, Israël, France et Espagne), les composants du pack usage unique sont ensuite assemblés et stérilisés au Maroc avant d’arriver à Clermont-Ferrand. « Repasser au réutilisable permettrait d’économiser l’équivalent du CO2 de 3 tours du monde en voiture », illustre la pharmacienne.

L’aspect confort de travail n’a pas été laissé de côté. Des questionnaires de ressenti ont été distribués à tous les professionnels concernés pour chaque circuit. « Souvent, les études qui s’intéressent au volet social s’arrêtent aux utilisateurs. Mais dans la réalité, bien d’autres personnes interviennent dans la chaîne : acheteurs, agents de stérilisation, préparateurs de la PUI, logisticiens chargés de gérer les stocks… », observe Steffi Calland. Et globalement l’usage unique stresse beaucoup de monde en raison des ruptures d’approvisionnement, de plus en plus fréquentes.

Feu vert des soignants

Steffi Calland aux côtés de Rudy Chouvel lors de la remise des prix FHF

Côté soignants, des plateaux réutilisables sont mis au banc d’essai. Puis les équipes sont questionnées. Quelle solution choisiraient-elles ? Seules 5 réponses sur 21 préfèrent conserver l’usage unique. « Certainement parce que le passage au réutilisable est plus chronophage. Le matériel doit être pré-désinfecté avant d’être envoyé à la stérilisation. Ce n’est pas manuel parce que le service dispose d’une machine, mais cela nécessite quand même du temps supplémentaire », remarque le Dr Calland.

Comme la maternité est partante, le CHU de Clermont-Ferrand a acheté de nouveaux équipements. « Normalement, le passage se fera en septembre-octobre lorsque le marché de l’usage unique prendra fin », conclut la pharmacienne dont la thèse, soutenue fin octobre 2022, a été distinguée par le prix « pertinence et écoconception des soins » de la FHF.

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *