Que faire des respirateurs, des tables d’opérations, des scanners, et autres gros dispositifs médicaux dès lors qu’ils sont réformés ? Au CHRU de Besançon, on tâche de trouver une solution pour donner une deuxième vie au matériel. « Par exemple, pour les dispositifs d’imagerie (IRM, scanner, salles de radiographie…), si le fournisseur retenu pour le nouveau matériel est le même que pour le précédent, nous lui demandons de nous adresser une offre de reprise à déduire sur l’offre du nouvel équipement », explique Emmanuel Berenger, ingénieur biomédical de l’établissement, qui sait que le vieux matériel va pouvoir être reconditionné et revendu, donc valorisé par le fabricant.
Revendre à un broker
Si l’établissement change de fournisseur, Emmanuel Berenger propose alors le dispositif à trois brokers. Le mieux disant remporte alors la mise ! Pour les autres dispositifs médicaux (table d’opération, éclairage opératoire, respirateurs, amplificateurs de brillance…), la démarche est encore différente. Le CHRU de Besançon les stocke dans un entrepôt avant de faire venir trois brokers à qui il propose le lot.
En une matinée, à raison d’un créneau d’une heure chacun, les acheteurs regardent le lot comme en amont d’une vente aux enchères. Ils prennent des photos puis disposent de quelques semaines pour faire une proposition de rachat. Là aussi, le plus offrant reprend tout. Bien qu’il soit organisé pour les reprises et les ventes, Emmanuel Berenger préfère décrocher une ristourne auprès d’un fournisseur plutôt que passer par un intermédiaire. En effet, dans ce dernier cas, le crédit de revente ne revient pas dans son enveloppe d’achat de dispositifs médicaux, mais dans les crédits globaux de l’établissement.
Codeo Medical, Alternup Medical, Value Medical, Agito Medical, Imax Medical, Aprim Medical… Les brokers sont nombreux mais on voit aujourd’hui apparaitre des sociétés plus spécialisées, qui peuvent laisser espérer une meilleure valorisation du matériel pour les établissements et donc de meilleurs rendements. « On constate que des constructeurs s’arrangent désormais avec des brokers spécialisés par exemple en endoscopie digestive, en imagerie médicale, en ophtalmologie… », remarque Sylvain Guibert, ingénieur biomédical de l’Hôpital Edouard Herriot, membre des Hospices civils de Lyon (HCL), méga structure composée de quatre groupements dont chacun travaille par ailleurs avec un broker référencé.
Contractualiser dès le départ
Les mentalités sont peut-être en train de changer. Alors pourquoi ne pas prévoir une clause dans le contrat d’achat prévoyant le recyclage ou la reprise ? Ou une gestion par un seul broker ? Aux HCL, on a déjà testé cette dernière méthode il y a une dizaine d’années. « A l’époque nous avions un contrat avec un prestataire qui reprenait tout notre matériel et nous rémunérait en fonction du fruit des ventes aux enchères » se souvient Sylvain Guibert. « Mais nous nous sommes rendu compte que nous ne maitrisions rien. Comment savoir si un matériel n’a pas trouvé preneur par exemple ? Il peut être plus sécurisant d’établir un chiffrage au moment du départ du matériel et émettre un titre de recette ». Autrement dit, mieux vaut selon lui, être certain du montant récupéré d’emblée.
D’autres essaient de repenser le modèle. « Depuis peu, un broker bien implanté sur le marché nous propose de mettre en place une convention de reprise, dans laquelle, il s’engage à reprendre tout le matériel chaque année », explique Emmanuel Berenger, qui réfléchit à l’offre.
Donner à une structure
Une autre solution existe. C’est le don. Une option ponctuellement choisie par exemple par le centre hospitalier de Roubaix. « On cherche à obtenir une offre de reprise du fabricant dans le cadre du renouvellement de l’équipement ou de valoriser le matériel via un broker. Sinon on donne à des associations humanitaires pour que le matériel soit redistribué dans des pays en développement », résume Cléa Vanlerberghe, ingénieur biomédical de l’établissement nordiste. Elle a tout de même parfois du mal à trouver une solution de deuxième vie pour certains équipements. Et ce malgré l’existence de nombreuses structures spécialisées dans l’occasion comme l’ONG Humatem, spécialisée dans la coopération, ou Ecosystem, entreprise à but non lucratif d’intérêt général, agréée par les pouvoirs publics pour la collecte et le recyclage sous forme de nouvelles matières premières.
Trouver le temps
Reste que tous les ingénieurs biomédicaux reconnaissent manquer de temps pour gérer la deuxième vie du matériel, une préoccupation assez nouvelle. « Je suis en poste depuis 5 ans, et avant cela aucun titre de recette n’avait été émis par ce service », explique Sylvain Guibert, qui revendique avoir valorisé « 145 000 € depuis. C’est du plus pour l’hôpital ! ». On retrouve la même envie de valoriser les produits d’occasion au CHRU de Besançon. Jusqu’à maintenant Emmanuel Berenger organise une vente de lot seulement tous an et demi ou deux ans, faute de temps. Or « si le matériel est immobilisé trop longtemps, il perd de la valeur », remarque-t-il.
Et là non plus, l’enjeu n’est pas négligeable. Dans cet établissement qui achète environ 6 M € par an de dispositifs médicaux, le lot peut partir jusqu’à 200 000 € avec un équipement d’imagerie, et entre 30 000 € et 80 000 € sans, selon l’ingénieur biomédical. Pour résumer, il apparait difficile d’optimiser les ventes pour un ingénieur biomédical alors que sa mission est précisément d’acheter ! Curieusement, il semble que les hôpitaux n’aient pas identifié la deuxième vie du matériel comme source de revenus et/ou de stratégie de développement durable. A quand la remise en état du matériel réformé pour mieux le revendre ? Pour finalement gagner combien ? Cela reste à chiffrer.