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Biodéchets : quand la fac adopte des lombrics connectés

Douze lombricomposteurs ont fait leur apparition dans les couloirs de Nantes Université. Chacun est capable de digérer 14 kilos de biodéchets par semaine, sans entretien particulier. Après quelques ajustements, le personnel et les étudiants ont apprivoisé leurs nouveaux colocs…

Il fallait oser ! Des lombrics vivent aujourd’hui dans les couloirs de l’université de Nantes. Installés dans des composteurs connectés, ils ont la mission de se nourrir des biodéchets déposés par les étudiants et le personnel, pour transformer les restes en compost.

Du compostage d’intérieur

Il s’agit d’un test mené avec la solution de lombricompostage connectée de Terre Vorace, une startup du diplômé de l’Ecole de Design François Friscourt. Cet écologiste convaincu, resté sur sa faim en débutant sa carrière comme designer industriel, a imaginé un lombricomposteur sur roulettes mais, surtout, doté d’une sonde pour y mesurer la chaleur et l’humidité.

Sur le dessus de chaque machine aux allures d’une boite en bois, un voyant s’allume en vert quand tout va bien, en bleu quand il faut vérifier si les consignes utilisateurs sont respectées, ou en rouge quand il faut solliciter de l’aide auprès du fournisseur. « Les utilisateurs n’ont plus besoin d’être des experts, la machine vous dit quoi faire », explique l’entrepreneur, qui, en tant qu’alumni de l’Ecole de Design, a pu réaliser l’analyse du cycle de vie (ACV) de sa machine avec le spécialiste Emmanuel Pion.

14kg/semaine

François Friscourt

En avril dernier, douze lombricomposteurs de 160 litres ont été installés dans 8 bâtiments de centre-ville de Nantes Université : dans un hall de la Faculté de Pharmacie près d’une cafétéria ; dans des pièces de restauration du personnel, des zones de centralisation des déchets ou dans des espaces abrités à l’extérieur…

Chacun de ces contenants en pin douglas français a la capacité d’absorber 14 kg de biodéchets par semaine (et du fait du tassage, 40kg/mois). On peut les alimenter de matières carbonées (essuie-tout, carton, etc.) et organiques. « C’est une poubelle qui mange les déchets », aime à dire l’inventeur. Son régime comprend toutefois quelques restrictions. Exit la viande, le poisson, les agrumes et l’ananas. Quant aux morceaux, ils doivent être petits (5 cm maximum).

Une logistique simple

Tout au long de l’expérimentation, Terre Vorace a prévu de se rendre sur place pour un suivi et en cas d’alertes (surchauffe, nuisance, mésusage…), centralisées par la chargée de projets développement durable à la Mission pour la transformation écologique de Nantes Université, Nina Bon, en provenance des référents nommés dans chaque bâtiment. Si le prestataire assurait un contrôle hebdomadaire au début, le rythme de ses passages est rapidement devenu mensuel. Les lombrics vivent leur vie de façon très autonome !

De fait, ces boîtes fermées ne nécessitent pas d’entretien particulier. « En fonction de la configuration des lieux, l’approvisionnement se fait sur la base d’apports volontaires soit directement, soit via une pré-collecte avec des bioseaux placés à des endroits stratégiques (salle de repos, circulations…) », précise Nina Bon. Les utilisateurs de ces seaux ont simplement à les rincer après usage.

Une implantation ciblée

L’expérience donne lieu à des ajustements au fil du temps. Notamment concernant la localisation des lombricomposteurs. Ceux qui ont généré odeurs et mouchettes ont finalement été transférés dehors. Par ailleurs, si certains étaient sous-alimentés, d’autres étaient gavés. Ainsi, on a fait déménager certains lombrics installés près d’une salle accueillant des événementiels. Trop d’apports y parvenaient d’un seul coup ! Et pour que les consignes soient mieux respectées, notamment dans les zones de passage, l’information a été adaptée en la rendant plus visible.

Une autre évolution est prévue, pour un moindre impact environnemental. Terminé le recours au bois qui pour être traité contre l’humidité, était tapissé…. de plastique ! Les prochains lombricomposteurs seront réalisés à partir de plastique recyclé. «  Cette matière ne travaille pas, elle est plus légère, plus perméable aux surchauffes, permet une plus grande personnalisation et des formes plus douces », souligne le designer, qui a trouvé un prestataire (Nomore Mobilier) qui produit des plaques de plastique à partir de déchets du CHU de Nantes.

De l’achat innovant

Outre le service de compostage, Terre Vorace informe l’Université de la quantité de déchets traités mais surtout de l’équivalent de CO2 absorbé par ses machines (environ un quart des intrants représente le carbone). « Cette solution est une façon pour mon client d’être en adéquation avec la loi Agec, de gérer certains de ses biodéchets, de tirer un bénéfice pour sa stratégie RSE, de se positionner pour les labels anti-gaspillage, et, cerise sur le gâteau, de fournir le compost créé aux usagers des lieux », résume François Friscourt. De quoi faciliter l’acceptation de ces animaux gloutons comme colocataires dans les facultés.

L’équipe impliquée dans le projet dont Nina Bon et François Friscourt respectivement derrière et devant le lombricomposteur

Reste qu’avant de se lancer, il a fallu trouver un financement pour un abonnement facturé 24 960 €. Le contrat inclut la fourniture de 12 lombricomposteurs et leur suivi pendant 24 mois, la distribution gratuite du compost et de son jus (le lombrithé) et 16 sessions de sensibilisation in situ. « Un financement d’achat innovant, par EUniWell a finalement été mobilisé », précise Nina Bon, qui imagine déjà une économie circulaire. « Nous pourrions avoir besoin d’amendements pour alimenter les plantes dans les bureaux. Nous avons aussi prévu une réflexion à propos des espaces verts de l’université ». Le compost y retrouverait d’autres habitants. Et toujours en circuit court.

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