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La pharmacie du CHU de Nantes réhabilite les stocks

En travaillant la main dans la main avec l’un de ses fournisseurs qui a investi dans un logiciel d’analyse des flux, la pharmacie du CHU de Nantes a réduit et optimisé sa logistique. Grâce à la massification des commandes et l’augmentation de ses stocks, elle a fait des économies et divisé les émissions de CO2 par dix. Etat des lieux avec Kamel Olivier Sellal, en charge du service pharmacie centrale des médicaments et dispositifs médicaux.

© HH

Longtemps, le principe de gestion en « juste à temps » – aussitôt commandé, aussitôt livré – a régné dans les pharmacies. Celle du CHU de Nantes s’en est écartée pour optimiser la chaîne logistique avec un gros fournisseur en privilégiant la stabilité, la sécurité, la qualité de ses livraisons plutôt que leur rapidité. Un nouveau protocole fonctionne entre eux depuis un an et demi. L’expérience donne de nouvelles lettres de noblesse au stockage et aux variations dans les délais de livraisons.

« La pharmacie n’est qu’un poste de coût à hôpital. Nous cherchions à optimiser la logistique pour faire des économies », se remémore Kamel Olivier Sellal, en charge du service pharmacie centrale des médicaments et dispositifs médicaux. 2500 références de médicaments, 1500 de dispositifs médicaux, 60 millions d’unités livrées par an dans les services avec trois semaines de réservés en moyenne. Et 650 fournisseurs.

Investissement du fournisseur dans un logiciel d’analyse des flux

L’un des plus importants Becton Dickinson, une usine à Grenoble, 25eme pour les produits médicaux, 8ème pour les dispositifs médicaux, notamment des matériels de perfusion. 162 références en commun en 2019, au début de l’étude entreprise avec le CHU pendant deux ans pour améliorer leur entente logistique. Pour chaque référence, 14 spécifications relatives au traitement des flux.

« L’idée était d’améliorer la chaîne chez l’un comme chez l’autre, de trouver un meilleur fonctionnement dans l’intérêt des deux pour qu’on ait à cœur de part et d’autre de l’entretenir par la suite, indépendamment de toute négociation sur les prix », explique Kamel Olivier Sellal. Cette analyse des flux logistiques, Becton Dickinson a investi dans un logiciel suffisamment puissant pour la mener. « Puissant et juste, précise Kamel Olivier Sellal, car il en existe d’insuffisamment précis, moins opérants. »

La vision comptable des stocks

Un changement de conception a dû s’opérer au préalable au CHU. « Longtemps, nous avons eu une vision comptable de nos stocks. Nous déclenchions les commandes selon nos consommations. Les finances considéraient en quelque sorte que ce qui était acheté était consommé. Même le commissaire aux comptes m’a interrogé : par la suite : pourquoi un tel volume de stocks ? Depuis le Covid, on sait qu’on ne fonctionne plus comme cela, qu’il faut anticiper. Aujourd’hui, l’essentiel de mon métier est de gérer les pénuries qui ont explosé. Une des réponses consiste à faire des stocks », indique Kamel Olivier Sellal.

Exemple, pour lui, les réserves de cathéters à utiliser en cas d’hémorragies sont passées d’un jour à un mois. Des quantités d’antidotes, d’utilisation parfois rarissime, sont à présent gardées de peur d’en manquer même au risque qu’ils périment.

Massification des commandes

Ces ajustements n’ont été possibles à la pharmacie du CHU de Nantes parce qu’elle était installée dans un bâtiment amorti depuis longtemps, qu’elle disposait de place. Ses stocks moyens peuvent aller jusqu’à un mois et demi. Ainsi sortie de sa logique stricte de « juste à temps », elle a pu massifier ses commandes. Certaines, trop fréquentes ont été décalées. Les livraisons ont été planifiées pour viser le plus possible de palettes entières, de cartons entiers, de boites entières. Une palette est commandée même quand le nombre de cartons nécessaires n’atteint pas encore tout à fait le nombre contenu dans une palette.

Une commande coûte à la pharmacie 200 €. Elle essaie de ne plus en passer d’une valeur inférieure à 250 €.  A l’autre bout de la chaîne, le fournisseur rassemble la livraison de ses produits en un seul voyage quand c’est pour le CHU. Le logiciel de gestion de l’hôpital, seul, ne pouvait pas faire ce genre de calculs. Le sien l’a fait. Le CHU et Becton Dickinson ont abouti à un référentiel commun étendu à ce nouveau type de gestion des flux et finalement à des automatisations de traitement intégrés dans leurs systèmes informatiques respectifs.

Coûts réduits des deux côtés

Pour un même chiffre d’affaires, les coûts ont été réduits de bout en bout. Alors que le CHU n’a investi qu’en temps de travail pour deux personnes – le responsable des quais de la pharmacie, à côté de Kamel Olivier Sellal – il a diminué ses coûts de gestion. Le nombre de ses commandes est passé de 28 commandes à 16 par mois. Elles comportent 5 lignes de produits au lieu de 3,5, 43 000 unités de produits contre 20 000 auparavant et valent chacune 5400 € contre 3000 € avant.

Le fournisseur aussi a réduit ses coûts. Les livraisons se font toutes les semaines, le mercredi matin, au moins pour les plus gros colis. Les camions arrivent directement de la plateforme de distribution de Becton Dickinson en Belgique, sans multiplier les manipulations à travers des sous-traitants, ce qui a grandement amélioré le service. Plus de palettes « patchwork » composées, protégées, transportées de façon trop hasardeuses pour arriver en bon état à destination.

Dix fois moins de tonnes de CO2

Le nombre de palettes livrées a augmenté de 390 à 735 par an. Le nombre de livraisons effectuées est tombé de 390 à 116. Avec lui, le nombre de kilomètres parcouru est descendu de 266 000 à 74 000, le nombre de tonnes de CO2 émises de 264 à 25. Bien sûr les besoins du CHU peuvent évoluer, mais tout cela s’ajuste de façon millimétrique, deux fois par an avec le fournisseur lors d’une heure en visio-conférence. Derrière, 2 h de débriefing avec les équipes de la pharmacie suffisent.

« Cette démarche est un signal envoyé à tous les fournisseurs pour qu’ils en fassent autant », insiste Kamel Olivier Sellal. Ils sont peu, pour le moment, à percevoir l’intérêt d’une telle démarche et à être prêts à investir dans un outil d’analyse des flux. « Pourtant le potentiel est grand en termes financiers et de développement durable », souligne le pharmacien.

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