Le circuit linge au plus près du besoin du CHU d’Amiens

Le CHU d’Amiens a bouclé, sans faux plis, une mini-révolution s’agissant de son circuit linge. Le flux tiré a remplacé le flux poussé. Fait maison, un outil informatique, facile d’usage, permet aux unités de soins de commander la juste quantité de linge en fonction de l’activité, quelques heures avant la livraison. Et l’application offre une traçabilité de A à Z bien utile à la logistique.

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«  Notre objectif depuis trois ans, c’est vraiment d’intégrer la logistique aux soins ». Cette philosophie, véritable credo pour Imad Fakhri, ingénieur responsable de la logistique du CHU d’Amiens, a inspiré la démarche – sans doute une première hexagonale – d’informatisation du circuit de commande et de distribution du linge (35 tonnes fournies en moyenne par semaine). Tout démarre des enquêtes de satisfaction menées annuellement par la Direction des services de la logistique, de la restauration et de la sécurité, et de l’analyse des évènements indésirables. Le sujet du linge est détecté. Avec 10 % d’insatisfaction sur un total de 120 dotations.

Frédéric Fourmi et Imad Fakhri © JMB

« Certains services manquaient de linge, d’autres en avaient trop. Prioritaires, les blocs bénéficiaient de 100 % de leur dotation, alors qu’ils n’en avaient pas forcément besoin. Ce qui privait d’autres unités », résume Frédéric Fourmi, responsable logistique adjoint, « car au CHU, le linge propre non utilisé est relavé. Comme la distribution est quotidienne, il est compliqué de le réaffecter, sauf à le savoir très tôt dans la journée. Le circuit est donc plus long en termes de disponibilité. »

Le flux tiré plutôt que poussé

Après cogitation, l’organisation est repensée. Aux oubliettes le système de flux poussé en fonction d’une dotation théorique. Bienvenue au flux tiré, basé sur une commande au jour le jour et appuyé par un outil informatique, développé en interne. « Nous sommes partis d’une page blanche, pour avoir quelque chose de simple et de fait maison. On a expliqué à la direction des services numériques ce qu’on voulait et elle a proposé une solution élaborée à partir de SharePoint », indique Imad Fakhri.

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Logée sur l’intranet, la formule permet de demander, en deux clics, tous les articles nécessaires. À la baisse ou à la hausse par rapport à la dotation planifiée. « Afin d’être le plus proche du besoin et des entrées/sorties des patients, les unités de soins peuvent commander jusqu’à 6 heures du matin pour une livraison en fin de matinée », précise Frédéric Fourmi. L’outil comporte un espace commentaire. « Le service peut indiquer qu’il a besoin de chemises malades grande taille ou expliquer pourquoi il a besoin de plus d’articles », détaille le responsable logistique adjoint.

Aux unités le soin de bien définir leur besoin

En octobre 2021, le dispositif est présenté aux cadres de santé, avant le démarrage d’un test au plateau cardiologie. Suivent ensuite les gros consommateurs comme les blocs, la réanimation, les urgences. « Aujourd’hui, le déploiement est réalisé pour 70 % des services », chiffre Frédéric Fourmi. Et il devrait être bouclé d’ici la fin de cet été.

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La prise en main est accompagnée. « Avec Sylvie Bouret, responsable de la lingerie relais, nous allons voir systématiquement tous les services, pour les former, mais aussi leur expliquer pourquoi nous avons choisi ce système qui nécessite d’avoir un regard critique sur la consommation de linge. » Frédéric Fourmi illustre son propos avec un bloc opératoire. « C’est un bon exemple parce qu’on n’aurait jamais réduit de nous-mêmes leur dotation. Ce matin (29 mars, NDR), la commande est de 100 draps au lieu des 150 théoriques. Et il n’y a aucun besoin de chemises ou de blouses malades ».

Jouer le jeu

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La traçabilité obtenue offre en effet au CHU la possibilité de s’interroger sur le reliquat de propre non utilisé. « Il est normal qu’il existe des retours. On ne peut pas travailler au drap près. La vie d’un hôpital comporte sa part d’aléatoire » admet Frédéric Fourmi. Mais tout dépend de la quantité réexpédiée. En cas de renvoi important, une photo du roll est prise. Et le service à l’origine de la commande questionné pour en savoir plus.

« C’est souvent une mauvaise sensibilisation des agents. Et la tentation de faire du copier-coller avec la dotation planifiée », explique le responsable logistique adjoint. « Nous sommes dans un rapport gagnant/gagnant. La logistique s’engage à livrer le linge demandé.  Mais en contrepartie, on attend des services qu’ils engagent sur une commande systématique et le juste besoin », insiste Imad Fakhri.

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À la lingerie-relais, où l’on s’affaire du lundi au vendredi, dès sept heures du matin, afin de constituer les rolls en partance, la nouvelle organisation n’a pas posé de problème particulier. Les agents continuent d’aller et venir le long de l’allée dédiée au « picking ». Eclairée aux néons et malicieusement baptisée « l’autoroute du soleil », cette dernière mène jusqu’à la gare de départ des convois.

 

Une plus grande communication entre les unités et la lingerie

La saisie des données sur la tablette © JMB

« La seule chose qui a changé, c’est la tablette nécessaire pour la saisie des données, au lieu du papier. Mais elle est simple d’usage, comme un drive pour ses courses », témoigne Sylvie Bouret. La responsable de la lingerie-relais liste les avantages du circuit informatisé. Evidemment une meilleure adéquation des chariots préparés aux besoins. Plus motivante. « Voir parfois revenir des rolls avec du linge propre pouvait être déprimant. Maintenant, on se dit qu’on ne travaille pas pour rien. » Surtout quand on sait qu’une dotation de 120 draps signifie pour un agent de transporter 85 kg de linge…

Fixé au roll, le bordereau récapitulatif édité par l’outil informatique est aussi un plus. « Le service sait exactement ce qu’il y a à l’intérieur ». Sylvie Bouret souligne aussi la communication retrouvée avec les unités de soins via le nouveau circuit, même si la lingerie peut toujours être contactée par téléphone, en cas de besoin. Son équipe apprécie les petits messages du type « bonne journée et merci ». « Mais cela peut être : on a une épidémie de gastro, donc il nous faut beaucoup plus. Nous leur répondons : pas de souci, on vous met le complément, bon courage. De notre côté, nous avons la possibilité de les informer qu’on rencontre une difficulté avec un article et qu’on leur donne de l’usage unique à la place. Nous voulons garder ce lien. »

Taux de service à 97,8 %

L’équipe de la lingerie posant avec le Trophée © CHU Amiens

Le bilan de cette tournée nouvelle formule, récompensée par un Trophée Santé Achat en 2022,  est pour le moins flatteur. Depuis sa mise en place, le taux de service cumulé atteint 97,8 %. Les évènements indésirables ont quasiment disparu. La logistique a constaté une baisse de plus d’un tiers des quantités demandées par rapport aux dotations théoriques l’année passée.

Conséquence logique, le volume de linge lavé a décru de 64 tonnes. Et le CHU a engrangé une économie de 70 000 euros. Sans oublier l’impact environnemental réduit. « Quand nous observons les résultats, on se dit qu’on ne s’est pas trompé de chemin », conclut Imad Fakhri qui caresse l’idée d’élargir cette traçabilité au transport et à la livraison de mobilier administratif (armoires, chaises, bureaux…).

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