François Gatineau : le chemin de la mobilité verte n’est pas forcément en ligne droite

À la tête de Mobileese, le cabinet de conseil et bureau d’études techniques qu’il a créé en 2016, François Gatineau accompagne les organisations sur la route de la mobilité électrique. Et livre ses conseils en matière de bonne conduite… du changement.

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achat-logistique.info : Fortement incitée à l’exemplarité, la fonction publique prend peu à peu le virage de la mobilité électrique, renforcée aujourd’hui dans sa détermination par les effets de la crise géopolitique. Où en est fonction publique hospitalière par rapport à ses homologues ?

François Gatineau : « Les chiffres manquent pour une vision précise, mais l’État et les collectivités territoriales semblent néanmoins aujourd’hui nettement plus avancés en la matière que le secteur sanitaire et médicosocial. Certes, plusieurs établissements disposent désormais de petits véhicules légers électriques pour se déplacer de site en site, mais sans politique de déploiement vraiment arrêtée, ni même parfois d’infrastructure de recharge ou très limités. Le rechargement se fait au fil de l’eau et des trajets… »

achat-logistique.info : Pourquoi ce retard ? L’électrique serait-il plus difficilement compatible avec les activités hospitalières, à commencer par l’urgence ?

François Gatineau : « Au contraire ! L’équipement de la police et de la gendarmerie montre qu’une mobilité verte ne s’oppose en rien à l’exercice d’urgence. Par ailleurs, les périmètres d’intervention des véhicules sanitaires, plutôt restreints, s’accordent très bien à l’électrique. Disons plutôt que, face à la pandémie, la décarbonation de la flotte ne fut évidemment pas une priorité du secteur ces dernières années.

Et maintenant que cette question émerge, les réflexions peuvent achopper sur une gamme d’utilitaires encore réduite et sur un prix d’achat qui reste élevé. Néanmoins, l’avenir de cette catégorie ne fait aucun doute, entre de nouvelles offres qui arrivent régulièrement sur le marché, leur autonomie grandissante et la volonté de plus en plus marquée des villes à limiter la circulation des véhicules thermiques. »

achat-logistique.info : Vous le soulignez, le prix des véhicules électriques reste élevé, 30 % supérieur en moyenne aux tarifs classiques. Quelles aides espérer ?

François Gatineau : « Comme pour les particuliers, il y a d’abord le bonus écologique, fonction du prix d’achat. La prime à la conversion est aussi à considérer, pour tout véhicule possédant une vignette Crit’Air 3 ou plus. Enfin il y a les aides fiscales : exonération de la Taxe sur les Véhicules de Société (TVS), exonération de la taxe sur la carte grise et amortissements comptables avec un plafond de déductibilité rehaussé à 30 000 euros. Mais le véritable gain s’évalue sur le long terme, avec des coûts d’utilisation deux fois moindres que le thermique et donc un retour sur investissement très rapide. »

achat-logistique.info : Alors, prix justement, ou autonomie, vitesse de charge, durée de vie de la batterie, entretien… Quelles sont les questions à se poser en priorité avant de se lancer ?

François Gatineau : « L’erreur est de commencer par s’interroger sur les véhicules à venir alors qu’il s’agit d’abord d’auditer le parc existant pour élaborer le plan de transformation le plus adapté. De ce diagnostic préalable, qui porte sur les vignettes Crit’Air, les kilométrages et les usages, émergeront les différentes solutions possibles dont découlera dans la foulée l’infrastructure de recharge adaptée : nombre de bornes nécessaires, puissances, emplacements…

Sans oublier le sujet de l’entretien qui, s’il est fait in situ, va exiger d’équiper les ateliers en conséquence et de doter les professionnels de certifications dédiées. Enfin, la solution de la mutualisation peut aussi s’envisager, notamment pour les bornes, ce qui constitue une excellente façon d’optimiser son infrastructure, voire de la financer pour partie via des rechargements tarifés. Il faut rappeler que 5 % des places de parking de plus de 20 emplacements devront être équipées de bornes au 1er janvier 2025, dont au moins un accessible PMR, et qu’une borne 22 W installée coûte environ 5000 euros… Bref, changer de parc demande du temps. »

achat-logistique.info : Ces différentes études exigent-elles une expertise particulière ?

François Gatineau : « Le chemin de la mobilité verte n’est pas forcément en ligne droite. L’étude technique de conception d’infrastructure de recharge pour véhicules électriques (IRVE), par exemple, n’est pas seulement obligatoire et déterminante pour l’opérationnalité de la flotte à venir. C’est une étape indispensable à la sécurisation électrique du site, et cela est encore plus vrai pour les établissements hospitaliers dont le régime de neutre électrique IT, conçu pour garantir la continuité d’alimentation, est interdit pour l’alimentation des stations de recharge.

Mais surtout, la dynamique exige un tout nouvel état d’esprit : il ne s’agit surtout pas de dupliquer le modèle thermique. Ainsi, des bornes à recharge ultra rapide pour des batteries entièrement chargées ne seront pas forcément nécessaires. La question est à croiser avec les chiffres des urgences et/ou le planning des ambulances, mais le plus souvent, mieux vaudra sans doute privilégier des rechargements courts et préservant un haut niveau d’autonomie à chaque retour sur site (véhicules légers individuels ou petits utilitaires de transport de linge, repas, produits de santé…). Changer de flotte implique de changer de comportement. »

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