Coût global : un critère qui implique le recours à des indicateurs objectifs

L’évolution de la réglementation marchés et la crise sanitaire poussent de plus en plus à intégrer le coût global lors du choix d’un bien ou d’un service. Mais pour sécuriser ses procédures, l’acheteur public a tout intérêt à fonder son calcul sur des indicateurs pertinents et objectifs, comme le montre l’une des rares décisions d’un tribunal administratif sur le sujet.

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En 2020, Tisseo, régie des transports en commun de l’agglomération toulousaine et entité adjudicatrice, lance une consultation pour des prestations de contrôles techniques périodiques réglementaires pour ses autobus. Dans le but de mieux apprécier le coût de la prestation, l’acheteur intègre un paramètre « kilométrage en haut-le-pied » (HLP) qu’il aura à supporter pour convoyer les véhicules jusqu’aux lieux de contrôle. Et il fixe à 4,25€ HT le prix de ce kilomètre « à vide ».

Le calcul du prix du kilomètre au cœur du contentieux

S’il ne conteste pas cette approche en coût global, un candidat dépose toutefois un référé précontractuel, estimant que le tarif au kilomètre a été surévalué, puisque ce dernier est plus proche de 0,87 € s’agissant des autocars, et discriminatoire puisque l’un des soumissionnaires dispose de centres de contrôle technique plus proches des dépôts de l’entité adjudicatrice.

La société requérante conteste également les éléments qui ont été retenus. Si les dépenses relatives aux carburant, à l’amortissement, aux émissions de gaz à effets de serre et à l’usure des pneumatiques peuvent être retenus, il n’en est pas de même pour les frais de personnel et d’assurance, coûts fixes auxquels la régie doit assurer quoi qu’il en soit.

Le coût d’acheminement n’est pas étranger à l’objet du marché

Aymeric Hourcabie

Le juge administratif tranche en faveur de l’acheteur et rejette la requête. Il homologue la prise en compte du coût d’acheminement des bus vers les centres de contrôle technique, « qui n’est pas étranger à l’objet du marché ». « Si l’acheteur n’avait pas intégré l’ensemble des coûts impliqués par la réalisation du contrôle technique, et donc de ceux inhérents au convoyage des véhicules, il aurait pu se trouver dans l’obligation de convoyer ses véhicules à l’autre bout de la France en raison de l’avantage déterminant qu’aurait pu retirer un soumissionnaire qui aurait proposé un prix très compétitif pour le seul contrôle technique », met en avant l’avocat Aymeric Hourcabie, qui insiste sur le fait que, dans une telle occurrence, le coût global de réalisation du contrôle supporté par l’acheteur aurait été substantiellement plus élevé que le seul prix dudit contrôle.

Comparer ce qui est comparable

Le magistrat valide aussi les éléments retenus pour le calcul, en particulier « le coût du convoyage par un chauffeur, qui étant mobilisé par cette tâche, ne peut être affecté à l’activité de transport de voyageurs, ainsi que du coût d’assurance du véhicule qui est exposé durant le parcours à des risques d’accidents ou d’autres événements couverts par le contrat », ainsi que la fiabilité des données issues de la comptabilité analytique de l’entité adjudicatrice.

Et il écarte toute comparaison avec le tarif des autocars utilisés sur longue distance. « On sait pertinemment que se déplacer en zone urbaine coûte plus cher qu’en zone interurbaine, commente Me Hourcabie, d’abord parce que le prix d’acquisition d’un car est moindre que celui d’un bus, que le temps mis pour faire un kilomètre en rase campagne n’a rien à voir avec la même distance en ville en raison des embouteillages, des feux, etc, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur la consommation de carburant, l’usure du matériel… »

Avoir sous la main des indicateurs de mesure objectifs

Pour Aymeric Hourcabie, l’acheteur public doit conserver à l’esprit deux principes lorsqu’il veut utiliser un critère de coût global. D’abord de moduler sa pondération en fonction de l’objet du marché. Ensuite d’être capable de mesurer, grâce à des indicateurs objectifs, ce coût global dans son intégralité. « Dans le cas d’espèce, ne prendre en compte que les charges salariales, et laisser de côté l’usage et l’immobilisation du véhicule ou les frais d’assurance aurait été illogique et partiel », insiste-t-il.

Référence : Tribunal administratif de Toulouse, SAS Vivauto, 30 juillet 2020, N°2003108

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