Waterlook : un bon tuyau contre le risque de légionelle

La réglementation anti-légionelle oblige notamment les établissements recevant du public à maintenir l’eau chaude distribuée à une certaine température et à tenir un carnet sanitaire à jour. Afin de les aider à assurer l’entretien des réseaux, la start-up française Waterlook a mis au point un système numérique de collecte des données et de surveillance en continu, testé avec bonheur par Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe, et le Groupement hospitalier Nord-Essonne.

© Epictura

Conséquence de la présence d’une bactérie appréciant particulièrement les réseaux d’eau chaude entre 25 et 50° C, la légionellose n’est pas à prendre à la légère puisqu’elle provoque des infections pulmonaires parfois mortelles, surtout chez les personnes fragiles ou immunodéprimées. Elle est d’ailleurs une maladie à déclaration obligatoire permettant aux ARS de mener leurs investigations.

Une menace toujours présente

Hôpitaux et EHPAD sont en première ligne. Et l’on se souvient, au début des années 2000, des déboires de l’hôpital Georges Pompidou avec une dizaine de patients infectés. Depuis, la bactérie continue de proliférer. En 2018, le nombre de cas signalés (2133) en France a augmenté de 31 % selon Santé Publique France, dont une soixantaine liée à un séjour hospitalier. Impacté, le CH de Laval a, par exemple, été obligé d’installer des filtres et d’interdire, pendant un temps, l’usage d’une partie de ses douches. Le phénomène est international. La même année, trois personnes qui avaient contracté la bactérie sont décédées à l’University of Wisconsin Hospital.

Régulièrement, le ministère de la Santé sensibilise les établissements à ce risque pour lequel leur responsabilité juridique, y compris pénale, peut être recherchée. En 2020, le maire de Rueil-Malmaison a comparu devant un tribunal correctionnel à la suite d’une contamination de la piscine municipale.

Difficile de tenir à jour un carnet sanitaire « papier »

Afin de limiter le danger, la réglementation (arrêtés du 30 novembre 2005 et du 1er février 2010) oblige les établissements à maintenir en permanence une température supérieure à 50°C tout au long du réseau d’eau chaude sanitaire, avec des mesures régulières et la tenue d’un carnet sanitaire actualisé, qui doit pouvoir être présenté à la demande des autorités sanitaires.

Dans le but d’aider les établissements à lutter contre le risque de légionelle, Romain Juvin, président de Waterlook, start-up  née en 2019, a eu l’idée d’imaginer une plateforme numérique capable à la fois de centraliser et tracer les données, de les tenir à jour, de servir de vigie en observant leur évolution, et de piloter aussi les actions à mener. Testé dans un premier temps auprès de collectivités et de crèches, le dispositif, qui peut être interfacé avec les SI existants (GMAO et GTB), a été expérimenté fin 2020 par Gustave Roussy et le Groupement hospitalier Nord-Essonne (GHNE), dans le cadre d’un appel à projet lancé par le Centre de l’innovation du Resah.

Bilans positifs pour l’expérimentation

« Suivre un carnet sanitaire est très complexe sans outil digital adapté, en raison du grand nombre de données et de documents à suivre quotidiennement : suivi des mesures, des analyses, des protocoles définis par l’établissement et des interventions sur les équipements…. Difficulté supplémentaire, ces éléments sont éparpillés entre plusieurs acteurs, les services travaux, techniques et hygiène de l’établissement, mais aussi ses prestataires en charge de la maintenance de la chaufferie, du traitement de l’eau et des analyses. L’avantage est aussi financier : suivre attentivement l’entretien de ses réseaux, c’est éviter de lourds travaux pouvant représenter plusieurs centaines de milliers d’euros », argue Romain Juvin.

Au GHNE, la solution a été testée en production entre novembre et janvier à la Maison de l’Yvette, l’un des sites d’Orsay. Directeur des ressources matérielles, Pierre Kouam explique ce choix. « Ce bâtiment, centre gériatrique et SSR, n’est pas concerné par le projet de nouvel hôpital en 2024 et sera conservé ». Pour Franck Dabriou, le bilan se révèle très positif. Le responsable technique des sites d’Orsay met en avant la réactivité du dispositif digital, ainsi que la disponibilité des données avec leur historique. « Il nous alerte automatiquement dès que les seuils réglementaires des températures ne sont plus atteints, en indiquant l’anomalie et son emplacement, ce qui nous permet de déclencher rapidement une action correctrice. Il nous rappelle les opérations à mener dans le cadre de nos procédures. C’est aussi un excellent outil de traçabilité et d’archivage des documents qui évite la perte de données du carnet sanitaire. »

Un garde-fou rentable

Pierre Kouam n’a pas de doute sur le retour sur investissement. « Le gain de temps est réel, notamment parce que nos ateliers se trouvent sur un site différent. Leur fournir l’information en direct leur permet d’intervenir plus efficacement. Par ailleurs, être obligé de purger les ballons en cas de souci implique de se débarrasser de l’eau et cela coûte cher. » De son côté, Franck Dabriou estime que la formule pourrait permettre de redéployer jusqu’à l’équivalent d’un ETP pour un établissement de 450 lits sur des interventions plutôt que des mesures. Résultat, le GHNE a choisi de conserver Waterlook et envisage de l’étendre à un autre bâtiment dédié à la psychiatrie.

A Gustave Roussy, on se félicite également d’avoir eu accès à la solution entre septembre et décembre. « Elle centralise toutes les données et offre la possibilité de mesurer les écarts avec les niveaux de conformité. Elle est aussi un garde-fou, puisqu’elle permet de vérifier que la surveillance et la maintenance réglementaires minimales ont bien été réalisées », résume Sébastien Genouvrier, responsable du service travaux et maintenance. Saisissant l’occasion pour faire le point sur la question, la structure a même demandé à la start-up de faire un audit du suivi des installations sanitaires, afin d’identifier les points d’amélioration de son organisation.

L’enjeu de la data

« Le test a été l’opportunité de démarrer une nouvelle dynamique et de prendre le sujet à bras le corps », poursuit Sébastien Genouvrier, qui voit déjà plus loin. « A terme, l’objectif est de pouvoir croiser une cartographie des températures, les résultats d’analyses légionnelles au regard de notre patientèle et ainsi localiser les points sensibles, en un coup d’œil. Désormais, l’enjeu est de disposer d’une data de qualité, capable à l’avenir d’alimenter des algorithmes et l’intelligence artificielle. »

L’expérience a aussi concouru à peaufiner la solution. Pendant le test, le GHNE a suggéré à la start-up l’ajout de QR codes. « Cela permet par exemple à un technicien venu dans une chambre pour poser un filtre de transmettre la date, l’heure de son intervention et les références du matériel ». Il a également été demandé à Waterlook de mieux réguler la fréquence des alertes. « Trop de messages tuent les messages. Il est préférable de n’avoir qu’un envoi quotidien dès lors qu’il ne s’agit que d’incidents mineurs », assure Franck Dabriou. Waterlook continue d’ailleurs de développer de nouvelles fonctionnalités pour permettre  aux établissements d’améliorer la surveillance des réseaux.

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