Un suivi des résidents simplifié à 100 % à la Villa Borghèse

Faciliter la communication entre les équipes soignantes d’Ehpad pour améliorer l’organisation du travail quotidien et optimiser le suivi des résidents. À Courbevoie, la Villa Borghèse en rêvait, Mobaspace l’a fait. Fruit d’une co-conception, le dispositif collecte, via une tablette, toutes les données enregistrées oralement, avant de les basculer sur un logiciel de soins. De quoi déclencher des alarmes en temps réel, mais aussi, demain, générer des alertes prédictives.

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Selon les statistiques internes d’un éditeur, moins de 30 % des capacités des logiciels de soins seraient utilisées en Ehpad. Oubli de calepin, stylo en berne, ou plus fréquemment encore, absentéisme et manque de temps… « Les raisons qui expliquent la « perte en ligne » des données résidents sont nombreuses, sans compter l’illettrisme et/ou l’illectronisme, plus fréquents qu’on ne pense. Or, ces carences peuvent avoir de graves conséquences sur les résidents », pose d’entrée Anne Launat, trente ans de carrière en gériatrie et directrice de l’Ehpad Villa Borghèse de Courbevoie (Hauts-de-Seine – 118 lits).

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« Pour assurer une transmission d’information fluide entre les équipes, il fallait donc un nouvel outil de communication, pratique et accessible, à l’image d’un téléphone », enchaîne-t-elle. Le programme Innov’Up Expérimentation Santé, lancé début 2021 par la région Île-de-France, Bpifrance, le pôle de compétitivité Medicen Paris Région et le Resah, va donner à la professionnelle l’occasion de passer du rêve à la réalité.

Un système de suivi santé multi-connecté

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En effet, retenu parmi les six sélectionnés de l’appel à manifestation d’intérêt, le challenge d’Anne Launat « matche » totalement avec la proposition de MobaSpace, dont la co-fondatrice, Laëtitia Lamazou, gériatre de formation, planche déjà sur des solutions de suivi santé connecté et d’anticipation. Fondée il y a deux ans, la jeune start-up veut ainsi « faciliter le travail des personnels soignants et améliorer la sécurité des séniors en simplifiant la collecte des données, en limitant les difficultés de retranscription et en renforçant les modalités de surveillance en cas de problème », explique Laëtitia Lamazou.

Pour ce faire, l’entreprise a conçu SySPAD (Système de suivi pour les personnes âgées dépendantes), sorte de plateforme ou multiprises capable d’agréger toutes les données collectées à partir des équipements connectés d’un site (DM, lits…), de les présenter différemment (graphiques, alertes visuelles ou sonores…) et de les basculer sur un logiciel de soins. Il ne reste donc plus qu’à coupler le système à une saisie orale des données de santé pour répondre aux vœux d’Anne Launat.

De la technique à l’éthique

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Les ateliers de co-création débutent fin 2021, à raison d’une réunion hebdomadaire avec les cadres de soins et soignants. Accessible sur smartphone comme sur tablette pour plus de confort de lecture, l’outil prend forme, permettant de dicter constantes, données quotidiennes et transmissions ciblées suivant une liste collectivement arrêtée, dans une interopérabilité immédiate avec le logiciel de santé NETsoins.

Le développement n’est toutefois pas sans embûche. Techniques d’abord : « à cause d’un parasitage sonore permanent – un téléviseur, un claquement de porte… – le système informatique boguait sans cesse. Il a fallu le repenser entièrement afin qu’il accepte ses bruits de fond », détaille la dirigeante de MobaSpace. Mais d’autres interrogations, plus éthiques, se dévoilent aussi à l’expérimentation, « par exemple faut-il dicter dans la chambre au risque de froisser les résidents ou en en sortant, au détriment potentiel de la confidentialité ? », questionne-t-elle.

Des alertes prédictives en vue

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Un à, un, les points soulevés sont discutés et arbitrés collectivement pour se caler aux pratiques et garantir l’adhésion au nouvel outil. « Cette possibilité d’éprouver la solution aux réflexes et réalités du terrain compte plus encore que l’aide financière du programme, venant abonder d’un tiers les 70 000 euros investis », confie Laëtitia Lamazou. Résultat : à six mois de l’échéance, la solution s’avère bien avancée, simple et ergonomique, architecturée autour des numéros de chambre pour être accessible même aux vacataires d’un jour, et évidemment conforme au RGPD.

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Et si certains sujets restent à finaliser, « telles la bonne taille de l’écran, la place du bouton de dictée vocale, la sensibilité du micro, ou encore l’hygiène de la tablette et sa sécurité anti-vol, les gains de temps, d’organisation et de qualité de soins sont déjà perceptibles », assure l’entrepreneuse. Non content de déclencher des alarmes en temps réel en cas d’évènement médical, le système pourrait même, demain, « générer des alertes prédictives à partir d’un faisceau de signaux faibles », s’enthousiasme-t-elle.

Une relation soignant-soigné redynamisée

La solution devrait être commercialisée fin 2022, pour un abonnement estimé à partir de 180 euros par mois et par établissement. À ce coût s’ajoutera évidemment celui de l’acquisition des tablettes, une seule par étage actuellement à la Villa Borghèse mais une par soignant à terme, sans compter le stock nécessaire aux temps de recharge… Un investissement réel donc, « mais moindre au regard des bénéfices attendus, tant pour les résidents que pour les soignants et au regard d’une relation soignant-soigné enfin revivifiée », conclut avec ardeur Anne Launat.

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