Singapour : nouvel espace de travail pour les infirmières

L’innovation ne se résume pas à l’apport de technologie, de robotique ou d’intelligence artificielle. Une mission d’études à Singapour organisée conjointement par le Resah et le CNEH au mois de juin, suivie par une vingtaine de directeurs d’hôpitaux publics et privés, a montré que la cité du Sud-Est asiatique se démarquait par sa capacité à aménager ses établissements de santé afin d’optimiser la prise en charge et faciliter le retour à domicile. Exemples de cette démarche avec les chambres des patients et l’espace de travail des infirmières.

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Alors qu’elle représente aujourd’hui 13 % de la population de Singapour, la proportion des plus de 65 va doubler d’ici 2030. Comme en Europe, ce vieillissement va s’accompagner d’une explosion des maladies chroniques et d’une hausse exponentielle des dépenses de santé. Bien qu’elle ait programmé la construction de 3000 lits supplémentaires, la cité-Etat asiatique (5,6 millions d’habitants condensés sur 719 km2, superficie légèrement inférieure à celle de Paris et de la Petite Couronne) cherche par tous les moyens à limiter dans le temps les séjours à l’hôpital et à favoriser un retour le plus rapide possible au domicile. Clairement affirmée, cette politique se concrétise dans l’organisation du travail et l’aménagement des espaces d’hôpitaux pour la plupart très récents (le Centre national de cardiologie a par exemple ouvert en 2014). Au Changi General Hospital (22 spécialités, un peu plus de 1000 lits, 5700 salariés dont 700 médecins et 2500 infirmières, 51 000 patients hospitalisés pour 438 000 ambulatoires), les chambres collectives du service rééducation, appelées « houses », ont été conçues pour responsabiliser au maximum les patients, les encourager à rester autonomes pour faire leur toilette, prendre leur traitement et à ne pas rester alités (voir plan en photo). Contigu, un espace collectif incite les malades à se déplacer et à se restaurer ensemble. Doté d’un chemin légèrement pentu et d’un sol inégal à dessein, un jardin thérapeutique (voir photo) permet de réapprendre à marcher dans des conditions proches de la vie réelle. Dans la même logique, des répliques d’appartements singapouriens (Transitional Living Unit) servent, depuis juillet 2015, à retrouver en douceur l’autonomie. Aidés par des thérapeutes et des infirmières, les personnes âgées s’entraînent aux gestes de la vie quotidienne dans cet environnement familier.

Réfléchir à l’organisation spatiale pour améliorer la disponibilité du personnel soignant

Placé sous l’autorité du National Healthcare Group (NHG) – un des trois clusters territoriaux chargés de coordonner les politiques de santé à Singapour – mais travaillant pour l’ensemble des établissements, le Centre pour l’innovation de santé (Center for Health Innovation, CHI) du Tan Tock Seng Hospital (TTSH) incube de nombreux projets de pointe. A l’image du système C3 (commande, contrôle et communication) outil d’optimisation du flux patients, prévu pour être mis en service à l’automne 2019, et qui sera capable d’analyser en temps réel les données, de prédire et de prévoir l’utilisation des ressources. Mais la marque de fabrique du CHI est de réfléchir aux méthodes de travail, avant d’injecter de la technologie. Avec l’aide des infirmières, une réflexion a été menée sur leur organisation, leurs protocoles, les interactions avec les autres corps de métier. Objectif : améliorer la disponibilité des équipes au bénéfice des patients notamment en réduisant le temps consacré à des activités non médicales, résume Tan Cher Heng, directeur clinique délégué du Centre d’innovation. Le résultat s’est traduit dans l’aménagement architectural.

Une plus grande proximité infirmières/patients

Certaines unités de soins intègrent désormais des « care team hub », espaces ouverts et mitoyens des « houses » (voir photo), où travaille le personnel soignant, équipé d’un système d’informations mobile pour le suivre dans ses déplacements. « Être infirmière, ce n’est pas avoir un bureau à soi pour remplir des formulaires », insiste le staff du Changi General Hospital. Rassurante, cette proximité incite le patient à faire des efforts pour redevenir indépendant. Dans d’autres services, l’espace de travail de l’infirmière est placé à l’entrée de la chambre collective. Il comprend un ordinateur, ainsi qu’une armoire contenant tout le matériel nécessaire (voir photo) et conçue pour pouvoir s’ouvrir aussi bien côté couloir que côté chambre. Ce rapprochement a des résultats. Selon le Centre de l’innovation, le temps moyen de réponse lorsqu’un patient sollicite une infirmière est passé de 53 à 39 secondes. Les taux de satisfaction des personnes hospitalisées se sont améliorés. 84 % estiment que le personnel se préoccupe plus de leur santé (+4 %) et 85 % jugent que les informations fournies sont claires (+11 %). Côté personnel, la distance parcourue pour travailler a été divisée par deux. « De petites actions réalisées par un grand nombre de personnes aboutissent à des changements importants », met en avant Deborah Wild, directrice adjointe du Centre d’excellence du Changi General Hospital.

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