Gestion des risques : la Norvège montre la voie

La crise sanitaire et les soucis d’approvisionnements qu’elle entraîne remettent sur le devant de la scène la notion de risque dans le processus achat. Centrale d’achat des hôpitaux norvégiens, Sykehusinnkjøp a mis au point un outil capable, à partir d’une base de données, de cartographier et d’évaluer les impacts potentiels du choix d’un produit ou d’un fournisseur.

© Epictura

La pandémie que le monde traverse devrait inciter les acheteurs à intégrer ou mieux valoriser la notion de risque dans leurs processus de choix des fournitures et services. Ancien directeur des achats de la SNCF, Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, espérait, dans nos colonnes (lire notre article du 16 juin), que la crise sanitaire favorise la prise en compte du coût complet, de l’impact environnemental et des facteurs de risque.

 

La performance d’un achat ne se mesure pas à son seul coût

 

Certains ont déjà indiqué le chemin à suivre. En Scandinavie, Sykehusinnkjøp, centrale d’achat des hôpitaux norvégiens, a développé dès 2018, soit deux ans après sa naissance, un nouveau système pour lister l’ensemble des risques générés par le choix d’un fournisseur potentiel. Le dispositif s’inscrit dans une démarche globale. Acteur majeur dans le pays avec un volume d’affaires de 20 milliards de couronnes norvégiennes, (soit environ 2 milliards d’euros), la centrale, filiale de quatre « regionalt helseforetak (RHF), agences régionales de santé, affiche sa volonté de contribuer au développement de produits, mais aussi de chaînes de production et d’approvisionnement durables, entre autres, en insérant des exigences éthiques et environnementales dans ses appels d’offres.

 

« La « supply chain » est complexe. Tout ce que l’on achète vient d’ailleurs. On a une responsabilité de lisibilité », a expliqué Kjetil Istad, DG de Sykehusinnkjøp, lors d’un colloque sur la commande publique responsable, organisé en mars dernier par l’OCDE. Directeur d’une structure qui intervient dans le domaine des soins, il a aussi rappelé un principe essentiel : « Lorsque nous achetons, nous ne devons pas être nuisible à la santé d’autrui. On ne peut pas mesurer un appel d’offres seulement à l’aune de ce que cela coûte ».

 

Une base de données pour cartographier les risques

 

Le dispositif de suivi des risques consiste en une base de données capable de cartographier la panoplie des dangers potentiels pour les 13 catégories d’achats de la centrale : conséquences pour le patient, problèmes juridiques, incertitude sur les approvisionnements, mise en cause de la réputation de l’acheteur, impact environnemental, dumping social, déploiement compliqué dans les établissements… Chaque écueil est évalué à l’aide d’une note.

 

Actualisé, le registre permet à la centrale de faire du dépistage. « Nous avons une équipe spécialisée dans la RSE qui se penche sur l’intégralité des appels d’offres, en se concentrant sur les risques les plus élevés. On regarde les marchés qui nécessitent une attention particulière », a détaillé le DG de Sykehusinnkjøp. Mais le « risikorapport pagaende anskaffelser », rapport de risque des achats, facilite aussi les choix et les décisions lors de la préparation des consultations. « Cette analyse des risques est un outil précieux pour identifier les priorités. On ne peut pas insérer des critères environnementaux partout. »

 

Aider les fournisseurs à s’améliorer

 

Pour la centrale, l’analyse des risques appartient à un triptyque comprenant aussi la vérification des données et le dialogue avec les fournisseurs. « Sans suivi, tout cela ne sert à rien », a prévenu Kjetil Istad. L’organisme norvégien mène des audits avec ses propres moyens : elle a par exemple enquêté sur les conditions de fabrication des gants chirurgicaux. La démarche reste modeste, insiste le DG qui admet bien volontiers qu’il est impossible de réaliser un tel travail pour tous les marchés. C’est pourquoi Sykehusinnkjøp partage les informations récoltées avec ses homologues suédois. « Il faut travailler ensemble pour certains fournisseurs ou contrats. »

 

La centrale scandinave privilégie le dialogue avec les entreprises dans une logique d’actions correctrices. « Lorsqu’on rencontre des problèmes par exemple avec un site de fabrication, nous cherchons à faire évoluer la situation de façon positive pour les salariés qui travaillent dans de mauvaises conditions. La résiliation d’un contrat n’incitera pas l’entreprise à modifier son organisation. Si l’on change de fournisseur, nous n’aurons aidé personne ! »

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *