Écouter les patients avant la rénovation d’un service

En général, tout le monde sait a priori ce dont les patients ont besoin, sans les consulter. Le CH de Versailles a choisi d’interroger, avec profit, une personne prise en charge avant de réaménager son service de soins de suite. Il a témoigné de cette expérience lors du séminaire des directeurs achats et logistique hospitaliers qui s’est tenu le 19 octobre au GHU de Paris.

© CH Versailles

« Quand vous avez un projet de rénovation, il y a d’abord un projet stratégique, puis d’établissement autour duquel vous réunissez des référents médicaux et paramédicaux, des directions fonctionnelles, des travaux et de la logistique. Vous estimez l’efficience du projet, calculez des ROI. Vous passez devant les finances et si tout va bien, c’est parti. Jamais, les patients ne sont consultés. Et pourtant, ils doivent avoir des choses à dire sur la façon dont vont être rénovés les locaux dans lesquels ils vivent. » C’est ainsi que Moussa Touré, directeur investissement et patrimoine du CH de Versailles a présenté l’expérience tentée à l’hôpital Richaud.

Quatre heures de discussion

Il s’agissait de refaire un service datant des années 1960, remodelé en 2008. 3,5 millions d’euros de travaux. Avant d’en conclure le programme, une patiente, 75 ans, a été écoutée, interrogée par une dizaine d’intervenants : architectes, représentants de la maîtrise d’œuvre, services hôtelier et de la logistique… Quatre heures de discussions en continu pour passer en revue toute l’opération avec force images des propositions à venir. Et qui ont donné lieu à un compte rendu partagé.

« La personne, particulièrement brillante, a soulevé des problématiques nouvelles », a insisté Moussa Touré. Ne fallait-il pas renforcer l’isolation phonique de la douche de la chambre voisine pour ne pas l’entendre de l’autre côté du mur ? Car elle donnait sur la tête de lit. La crise de la Covid a révélé l’importance des communications électroniques avec l’extérieur. Existait-il assez de prises électriques pour faire face aux multiples appareils, téléphones ou tablettes à recharger ?

Dans la salle à manger, ne fallait-il pas des tables à piètement central pour le confort, au moment de s’y installer ou d’en repartir ? Avec des parties rabattables, pour gagner de l’espace de circulation quand on est moins nombreux à table ? Pourquoi pas un fond de musique dans tout l’établissement, plutôt que des écrans de télévision sources de désocialisation ?

75 % des observations retenues, 2 % de surcoût

Moussa Touré

Les portes et les fenêtres ont suscité de longs débats. Les fenêtres oscillo-battantes sont plus difficiles à manier. « Plutôt coulissantes », a suggéré la patiente. Mais l’équipe médicale a conclu qu’elles favorisaient les troubles musculosquelettiques des personnes prises en charge. « Nous avons eu beaucoup de recommandations sur le mobilier, trop lourd à manipuler, même sur roulettes. Sur les coloris des chambres, problème classique, mais qui compte », ajoute Moussa Touré. 75 % des observations ont été retenues. Ce qui n’a occasionné qu’un surcoût de 2 %, largement absorbable dans le taux d’aléas de 5 %. Les travaux débuteront au début 2023.

Mais comment sélectionner les usagers interrogés ? Moussa Touré estime qu’il vaut mieux qu’ils soient plusieurs pour être représentatifs et ayant accompli des parcours de soin le plus complets possibles dans les établissements concernés (dans des hôpitaux, accueil, consultation, blocs, réanimation, etc ). Que la discussion reste ouverte pour parvenir à une richesse d’échanges mais qu’on leur demande une analyse critique. « Tout cela demande sans doute de prendre du temps pour bien choisir les usagers sur la base de retour des équipes e soignants, une coordination des instances pour organiser les échanges et être prêts à écouter. On n’en a pas l’habitude ! », prévient Moussa Touré.

Processus en 5 phases

À quel stade la contribution des usagers doit-elle intervenir ? Pas de réponse toute faite, mais en tout cas pas trop tard. Moussa Touré a l’expérience d’une contribution d’usagers très productive dans le cadre d’une analyse de concours de maîtrise d’œuvre. Ensuite, pour gérer avec les usagers la proportion de leurs suggestions non retenues, l’idéal est d’avoir immédiatement la discussion à ce sujet lors de la consultation.

« Pour mener cette expérience, nous nous sommes fondés sur celles de cliniques privées américaines qui suivaient un processus en cinq phases vis-à-vis de leurs patients : écoute, empathie, excuses, réponses, remerciements. En France, nous avons une pratique bien établie d’enquêtes de satisfaction. L’idée, là, est d’agir en amont plutôt qu’après le service rendu. »

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