Achat durable et achat innovant vont de pair au CH Alpes-Isère

Implanté à Saint-Egrève, l’établissement public de santé mentale, en pointe dans le domaine du développement durable, a démontré, avec l’acquisition d’un tunnel de lavage et d’une batterie de lavage pour sa cuisine centrale, que le couple achat responsable/recherche d’innovation débouchait sur un mariage heureux. Le recours au « décret 100 000 » lui a en effet permis de se doter d’équipements plus performants et moins gourmands en eau et en produits lessiviels. Le CH a aussi déniché des barquettes 100% compostables pour anticiper la fin du plastique prévue par la loi Egalim.

© CH Alpes-Isère

« Notre établissement mène une véritable politique RSE, pas seulement les impacts environnementaux, mais qui concerne le bien-être au travail de nos équipes, les conditions d’emploi et d’évolution de la main d’œuvre de nos fournisseurs… Tout compte pour nous », garantit Hélène Sol, directrice du pôle ingénierie-logistique-sécurité du CH Alpes-Isère, établissement de santé mentale implanté à Saint-Egrève. « Pour ma part, j’y suis sensible depuis toujours ».

Questionner les fournisseurs sur leur démarche RSE

La preuve, il ne lui faut que peu de temps pour passer à l’acte lorsqu’elle arrive dans l’établissement alpin en 2016. Dès l’année suivante, elle intègre des critères « responsables » à la montagne de marchés qui l’attendait. Aujourd’hui, toutes les consultations au-dessus de 40 000 euros comprennent systématiquement ce type de critère, pondéré de 3 à 15 %, en fonction de la famille d’achat.

Le CH cherche à savoir quels efforts consent l’entreprise pour limiter l’empreinte carbone, quelle est la politique de réduction de la consommation des ressources naturelles et de l’énergie, quelle est sa gestion des déchets, comment elle promeut de la diversité et de l’égalité des chances, l’insertion des jeunes et la réinsertion des seniors… « Des questionnaires factuels », insiste-t-elle, permettent d’évaluer les fournisseurs, preuves à l’appui. « Avoir signé une charte RSE avec ses fournisseurs est un plus, s’ils déclarent avoir une, on la leur demande », enchaîne la directrice qui n’hésite pas à investiguer.

A l’occasion d’un lot de tenues professionnelles, 180 questions étaient posées, et pour les critères RSE, ceux-ci s’intéresseraient aux matières employées à la fabrication, au respect du droit du travail dans les pays de production, à l’optimisation des transports et des organisations logistiques pour réduire les émissions de GES, la politique de réduction des consommations de fluides lors des lavages de linge…

Achat de matériels plus écologiques avec le décret 100 000

Les fuites de l’ancien tunnel de lavage © CH Alpes-Isère

« On étudie toutes les solutions que l’on peut trouver sur le marché ». Titulaire du DESMA et d’un master innovation de l’IAE de l’université Grenoble-Alpes, Hélène Sol sait toute l’importance du sourcing pour découvrir des solutions plus responsables et plus performantes. Lorsque la cuisine centrale a été dans l’obligation de changer ses équipements de lavage à bout de souffle (pannes récurrentes, fuites), l’occasion était belle de faire d’une pierre deux coups.

« Nous avons profité du remplacement pour innover. » Une visite au Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation (Sirha) à Lyon en 2019 en compagnie de son chef de cuisine permet de faire le tour des fabricants, « d’ouvrir le capot de tous les matériels » afin de mieux saisir les leviers potentiels d’économies. Et de repérer un industriel allemand en avance sur les autres.

Hélène Sol a alors l’idée de se saisir du décret 100 000 euros sur les achats innovants, à l’époque expérimental. Par mesure de précaution, le dossier est soumis à l’avis de la cellule marchés du CHU de Grenoble et de la DAJ de Bercy qui adoubent ce choix. Conclu durant l’été 2019, cet achat s’avère tout bénéfice.

Réduction de la consommation de produits lessiviels

Le nouveau matériel © CH Alpes-Isère

Installées en septembre 2019, ces deux nouvelles machines, la première pour le self (300 couverts quotidiens), la seconde pour la grosse plonge (marmites, plats à gratins…) sont déjà capables de nettoyer tous les ustensiles. Le nouveau lave-batterie détecte le degré de saleté et adapte la consommation d’eau en conséquence. Son système d’injection de vapeur rend inutile la traditionnelle séance de « dérochage » afin de dégraisser la vaisselle. Filtrée et nettoyée, l’eau de lavage est réutilisée en circuit fermé.

La durée du cycle de nettoyage est passée de 2 h 30 à 35 minutes. Le CH réduit son impact environnemental et aussi ses factures. « Nous avons réduit par 20 la consommation en produits lessiviels. Et par trois la consommation d’eau », chiffre Hélène Sol. Le CH a aussi gagné 2,5 ETP. Car auparavant, « il fallait mettre de l’huile de coude » avec l’ancien matériel, en passant toute la vaisselle du self à la douchette, et pour la cuisine, en faisant au préalable tremper les marmites et plats à gratin dans l’eau et les briquer avec des éponges de paille de fer… « Les agents ont été redéployés sur des tâches plus nobles ». Le tout pour moins de 70 000 euros HT. « On sait aussi négocier aux achats », glisse au passage Hélène Sol.

Objectif : des barquettes 100 % compostables en 2022

L’établissement psychiatrique, qui multiplie les initiatives, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Nous voulons être en avance sur l’application de la loi Egalim, notamment concernant la suppression du plastique », poursuit la directrice du pôle ingénierie-logistique-sécurité. La cuisine utilise près de 1400 barquettes à usage unique par jour. Aujourd’hui, elles finissent dans les DAOM. Dans un premier temps, le CH Alpes-Isère a caressé l’idée de trier celles en polypropylène.

« Mais c’était compliqué de sélectionner les barquettes qu’il fallait également rincer avec une charge supplémentaire dans les unités de soins que je ne me sentais pas de demander en pleine épidémie COVID, du temps en moins pour les patients… ». En outre, le centre de valorisation capable de s’en occuper se trouve dans la région de Marseille. Résultat : un circuit trois fois plus onéreux que celui des ordures ménagères et peu vertueux avec les émissions de gaz à effet de serre.

La solution de barquettes 100 % compostables est donc retenue (respect de la norme EN 13432, matières de préférence certifiées FSC/PEFC sur la gestion durable de forêts). En cours de finalisation, le marché n’est pas simple à préparer. « Il a fallu vérifier au préalable que les barquettes envisageables résistaient aux cuissons en fours (200°C sur une durée de 30 minutes minimum), aux cellules de refroidissement (-25°C), ainsi qu’aux matériels de réchauffage présents dans les unités de soin (130°C sur une durée de 40 minutes minimum), qui deviendront des critères du marché public », donne en exemple Hélène Sol.

Le CH a également déniché un film opercule également compostable. « Nous avons testé l’ensemble afin de s’assurer que la solution tenait la route, en analysant le compost obtenu ». Reste à acquérir un composteur industriel ad hoc, déjà identifié, qui est en cours. À ce jour, les économies réalisées ne couvrent que de la moitié de l’investissement nécessaire à cet achat.

 

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