Chacun en est conscient, la fonction achats a été projetée sur le devant de la scène durant l’épidémie. « Elle a montré toute sa valeur ajoutée en situation de crise », a commenté Marc Sauvage, DGA chargé des achats, de la commande publique, du juridique et de la transformation numérique à la région Ile-de-France, le 11 juin à l’occasion du webinaire pour présenter les résultats d’un questionnaire en ligne, administré mi-mai.
L’ampleur de la crise sanitaire a en effet poussé le CNA et l’agence Agile Buyer, qui publient en début d’année une étude sur les tendances et les priorités dans les achats, à effectuer une enquête complémentaire.
Crainte de faillites chez les fournisseurs stratégiques
Quels sont les principaux enseignements ? 58 % des acheteurs interrogés ont connu ou craignent des difficultés de livraison de la part de leurs fournisseurs « stratégiques », en raison du redémarrage progressif de l’activité économique. Avec l’arrêt ou le ralentissement des chantiers de construction ou d’agrandissement de lycées, la région Ile-de-France va par exemple acheter des bâtiments modulaires pour assurer la rentrée dans les établissements de son territoire.
37 % des professionnels sondés craignent même des faillites, toujours pour leurs fournisseurs « stratégiques ». 54 % d’entre eux affirment ne pas disposer, ou de manière insuffisante, d’outils pour comprendre réellement la fiabilité financière de leurs prestataires. « Ces outils existent, a réagi Marc Sauvage, mais l’actualisation des données n’est pas instantanée. »
La question de la localisation
Les difficultés d’approvisionnement déclenchés par le Covid-19 ont changé la donne et mis l’accent sur la concentration de fournisseurs dans certains pays. 25 % des personnes interrogées estime que la crise va pousser à la relocalisation (majoritairement en France et en Europe). « Il faut réfléchir à acheter autrement », concède Marc Sauvage qui préfère au terme de « relocalisation » plutôt une « bonne localisation » en déterminant les risques, en recherchant une plus grande souveraineté et en étant plus solidaire.
La crise a également accentué le rôle des directions achats dans le pilotage des délais de paiement pour 40 % de l’échantillon (+6 % par rapport à l’enquête publiée en janvier). Elle a développé une « culture nouvelle » et modifié le rapport au risque et au paiement dans le secteur public, peu habitué par exemple au réglement anticipé, a observé Jean Bouverot, chef du service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SAILMI) qui retient également la forte « demande de visibilité » : « dans la perspective d’une autre crise, je vais travailler avec mes équipes sur l’information délivrée à nos clients internes ».
Président du CNA et directeur des achats du groupe Eiffage, Jean-Luc Baras estime que la profession va être attendue pour participer à la reconstruction et, plus largement, à la gestion globale des organisations : « on va avoir besoin de nous, de nos idées, pour transformer ce qu’il y a à transformer. »