La déontologie, source de performance des achats

Chez les acheteurs publics, déontologie rime systématiquement avec risque pénal et conflit d’intérêts. Pour autant, sensibiliser tous les acteurs du processus achat et prévenir les risques de dérives ou de mauvais comportements est l’une des pierres fondatrices d’un bon achat. Ne serait que pour convaincre les éventuels candidats aux mises en concurrence que la loyauté des pratiques est la règle chez le pouvoir adjudicateur.

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Dès que l’on évoque l’éthique et la déontologie dans la commande publique, l’association est rapidement faite avec les épées de Damoclès suspendues au-dessus des acheteurs : les infractions pénales (délit de favoritisme, prise illégale d’intérêts, corruption…) mais aussi les conflit d’intérêts, de nature à « influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. » Même si, dans les faits, les « affaires » restent l’exception à la règle (en 2018, 286 condamnations en 2018 ont été prononcées en France pour des infractions d’atteinte à la probité), surtout lorsqu’on les ramène au nombre de marchés passés par an (entre 150 000 et 170 000).

La loyauté des pratiques

Pourtant, s’intéresser aux principes déontologiques uniquement à l’aune de ces risques est réducteur. « Prévenir et détecter la corruption et les atteintes à la probité, c’est un impératif si on veut bien acheter, c’est un levier de la performance de l’achat. C’est bon pour la qualité des achats, les prix, la confiance entre les acteurs privés et publics de la chaîne achat, et pour la croissance et l’économie », a rappelé Sandrine Jarry, sous-directrice chargée de la modernisation des achats à la direction des achats de l’Etat (DAE), le 24 octobre, lors de la visioconférence organisée par le Resah sur le sujet.

Sans oublier les retombées médiatiques souvent négatives, en cas d’investigations et de poursuites judiciaires et les conséquences sur l’image de marque de la structure et ses futures procédures. La loyauté des pratiques, l’égalité de traitement et la transparence sont donc essentielles pour qui veut s’assurer d’un minimum de candidats lors des mises en concurrence.

Une charte à visée pédagogique

Rédigée en 2009, écrite à l’origine pour le CHU de Nantes, et réactualisée l’année dernière pour prendre en compte la dimension territoriale et l’évolution des textes, la charte de déontologie du GHT 44 (13 établissements, plus de 16 000 professionnels et de 5000 fournisseurs, périmètre achats de 425 M€) souligne ainsi que « tout comportement qui s’éloigne de l’objectif de maximiser le rapport coût/avantage pour l’institution est susceptible de contrevenir à son intérêt à court et long terme en détériorant la performance de l’achat ».

Fruit d’un travail collectif, la charte déontologique du GHT 44 a été pensée de manière volontairement courte et pédagogique, autour de 5 chapitres : comment maîtriser l’échange d’information avec les entreprises, Quelle attitude adopter face à une invitation ou à un cadeau ? Comment agir pour prévenir les conflits d’intérêt ? Quels sont les principaux risques encourus ? Vers qui s’orienter en cas de questions ? Et qui s’adresse non seulement aux acheteurs mais aussi à tous les participants du processus, de l’étude du besoin jusqu’à l’exécution du contrat.

De quoi rafraîchir les mémoires sur les bonnes pratique à appliquer en toute circonstance. « Au-delà de tout ce qui peut être intentions délictueuses, il peut y avoir des mauvaises pratiques par méconnaissance. Notre charte a été vraiment faite dans cet esprit-là », a expliqué Aude Menu, directrice des achats du CHU nantais. « On a voulu faire comprendre à chacun, au-delà de la promotion des valeurs de probité et d’éthique professionnelle, que le respect des règles de déontologie participe à un achat efficace responsable et sécurisé juridiquement. »

Partir du juridique pour aller vers la performance

Pour sa part, le Resah, qui candidate actuellement au label « relations fournisseurs et achats responsables », a pris le parti de sensibiliser ses équipes, de mesurer la robustesse des pratiques et les connaissances en cartographiant les risques. « De partir du juridique pour aller vers la performance », a résumé Charles-Edouard Escurat, DGA du GIP. Avec une méthodologie inspirée du guide « Maîtriser le risque de corruption dans le cycle de l’achat public » signé conjointement par la DAE et l’Agence française anticorruption (lire notre article 1er juillet 2020 )

Pendant deux mois et demi, un groupe de travail pluridisciplinaire (métiers/filières) a planché pour établir une cotation des risques bruts, pour chaque étape de l’acte d’achat, en faisant abstraction des dispositifs existants au sein de l’organisation. Résultat qui ne surprendra personne : l’acceptation ou la sollicitation de « cadeaux » ou d’invitations à des voyages pour des salons ou conférences est arrivée en tête du hit-parade sur les 13 dangers inventoriés.

Un plan d’action suite à la cartographie

Une seconde estimation a été faite ensuite, cette fois passée au tamis des mesures prises par la centrale (dispositif anti-cadeau, notes de service, travail en binôme acheteur-juriste, collégialité des comités d’attribution, possibilité de déport sur un dossier, sessions de formation…). Le risque « cadeau » est redescendu dans le classement, supplanté par la possibilité, même involontaire, de transmission d’informations sur les attentes de l’acheteur au sujet d’un besoin.

La cartographie a donné lieu à un plan d’actions : plus grande fréquence des sessions de formations, désignation d’un déontologue et meilleure implication des managers, notamment pour évoquer le sujet avec les nouveaux recrutés lors de leur arrivée, surtout quand ils ne connaissent pas ou peu l’univers public.

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