Le grammage aux petits oignons du CRCP de Franche-Comté

Depuis 2019, le Centre de réadaptation cardiologique et pneumologique de Franche-Comté (Fondation Arc-en-Ciel), très à cheval sur la qualité des repas servis, travaille aussi à réduire le gâchis alimentaire. En personnalisant les quantités en fonction de la typologie des patients, grâce à un grammage anti-gaspi, et en adaptant ses matériels, l’établissement a réussi le tour de force de diviser par deux le tonnage de ses biodéchets.

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La chasse au gaspi a été décrétée dans les établissements de santé. Un peu partout, on cherche à éviter de remplir les poubelles de repas non mangés, de restes, ou de denrées achetées mais non utilisées pour concocter les menus. Il faut dire que le secteur est particulièrement touché par le phénomène. Selon l’ADEME, le gaspillage atteint en moyenne 170 grammes par convive à l’hôpital et 155 grammes dans les EHPAD, contre 100 grammes dans les écoles élémentaires. Le CH de Niort a même mis au point un calculateur dans le but de jauger le gâchis (Lire notre article du 10 novembre 2021 ).

Penser les repas en fonction de la consommation réelle et de l’équilibre nutritionnel

Pour arrêter d’entasser les biodéchets, chacun a sa recette (lire nos articles du 11 octobre  et du 12 octobre 2021). L’une des techniques, couplées avec d’autres solutions, est d’ajuster au plus près des besoins les portions servies. Selon les chiffres 2020 de l’Observatoire IDD santé durable du C2DS, 77 % des établissements sanitaires qui ont réalisé cet autodiagnostic adaptent les grammages. Un chiffre qui monte à 86 % dans le secteur médico-social.

Travailler le grammage ne se réduit pas à mettre moins dans l’assiette. C’est avant tout penser les repas fournis par rapport à la consommation réelle et à l’équilibre nutritionnel, et faire un pas de plus vers la personnalisation. La diminution des portions destinées aux personnes âgées en fonction de leur satiété s’accompagnera d’un enrichissement en calories et en protéines, a donné en exemple Marion Briançon, consultante chez Primum non nocere, durant un webinaire organisé le 12 juillet par le groupe d’étude et de benchmarking restauration du Resah.

90 % de fait maison

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Depuis 2019, le Centre de réadaptation cardiologique et pneumologique de Franche-Comté (CRCP, Fondation Arc-en-Ciel) s’inscrit dans cette logique vertueuse. L’établissement fournit chaque jour 160 repas le midi, 90 le soir, à quoi il faut ajouter la livraison à domicile. Le tout en liaison chaude. Les plats sont mitonnés sur place par une équipe de 5 personnes, sous la houlette d’un chef qui a travaillé pour plusieurs restaurants gastronomiques. « On est à 90 % de fait maison. C’est notre identité », a indiqué Fabienne Lucotte, responsable hôtelière restauration.

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Le CRCP privilégie une nourriture de type crétoise (poisson, huile d’olive, viande blanche…). « L’alimentation fait vraiment partie de l’éducation thérapeutique », a mis en avant Fabienne Lucotte pendant la webconférence. Pour preuve, l’établissement propose à ses patients une cuisine pédagogique, avec des cours pour les aider à continuer à mieux manger lors du retour à domicile. Des ateliers animés par le chef et l’équipe de diététiciennes. Laquelle a rédigé un livre de « recettes santé légères et gourmandes », faciles à réaliser. « C’est important de rendre le patient acteur de sa santé », a insisté la responsable hôtelière restauration.

Un grammage anti-gaspi

Aiguiser l’appétit des convives contribue à éviter les restes. Mais ces derniers ont souvent les yeux plus gros que le ventre. Afin de limiter le gâchis, un groupe de réflexion pluridisciplinaire du CRCP (soignants, diététiciennes, cuisiniers, cadres de santé) a été invité à mettre son grain de sel. Cette pluralité des regards a été l’une des clefs du succès pour Fabienne Lucotte. Après un diagnostic accompagné de pesées, le collectif a réfléchi à un grammage antigaspi, par typologie de patients, tout en respectant les recommandations du groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM-RCN) pour les pathologies cardiaques.

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Le CRCP a ainsi constaté que les restes sont plus importants pour les repas pris en chambre, qu’à la salle à manger, où viennent se restaurer les patients autonomes. Les portions ont donc été adaptées : par exemple 180 grammes de purée au self ou en livraison à domicile, 150 pour les repas servis en chambre, et 50 en chambre après une intervention chirurgicale (chirurgie bariatrique). En cuisine, des assiettes test permettent de bien calibrer la quantité. Un effort a été fait sur le dressage, grâce à l’achat de moules.

Le poids des déchets divisé par deux

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Dans la même logique, l’établissement franc-comtois a aussi modifié ses contenants et matériels. Au restaurant, les entrées sont en libre-service. « Si l’on propose de gros saladiers, on a tendance à se servir de grosses quantités et à laisser énormément », a observé Fabienne Lucotte. De plus petits saladiers, que le personnel remplit au fur et à mesure, ont donc fait leur apparition. Idem pour les dimensions des assiettes, coupelles, bols et ramequins. Des pinces et louches plus adaptées aux grammages ont été choisies. Le cuisinier, qui sert les plats principaux, a évidemment un rôle crucial à jouer. « C’est le patient qui demande, en fonction de sa faim et de son état de santé, quelle portion, petite ou grosse, il souhaite », a ajouté la responsable hôtelière restauration. Autre changement, le pain trône maintenant à la fin des présentoirs plutôt qu’au début.

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Tous ces efforts portent leurs fruits. De 2018 à 2019, les déchets ont pratiquement été divisés par deux, de 13,7 à 7,2 tonnes. La crise sanitaire, imposant le service en chambre, a mis entre parenthèses le travail mené (11,8 tonnes). Mais depuis 2021 la courbe est de nouveau vertueuse, redescendant à 7,3 tonnes. Les résultats, régulièrement mis à jour, sont affichés dans la salle de restaurant pour continuer à sensibiliser professionnels et patients, invités à donner leur avis lors de questionnaires de satisfaction. « C’est souvent : ne changez rien », a indiqué Fabienne Lucotte, « à aucun moment, les patients se sont plaints de ne pas avoir assez dans l’assiette ».

Pour autant, le CRCP, dont la philosophie a été matérialisée par une charte « pour une alimentation responsable et durable », n’a pas l’intention de s’endormir sur ses lauriers. Les économies obtenues sont réinvesties pour se procurer des produits plus savoureux et de meilleurs qualités. En 2023, l’établissement va encore mettre les bouchées doubles pour améliorer sa restauration. La salle à manger sera rénovée. La cuisine aussi, avec l’agrandissement de la partie production et l’acquisition d’un matériel moins énergivore.

 

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