La pharmacie très durable du CH Cannes

En matière de responsabilité environnementale, le pharmacien hospitalier peut-il être initiateur, prescripteur ou, pour le moins, force de proposition ? Au centre hospitalier Simone Veil, à Cannes, la démarche a été poussée loin et elle ne date pas d’hier, au point qu’elle peut être citée en exemple et dupliquée au sein d’autres pharmacies hospitalières.

© Epictura

À Cannes, Nathalie Ronzière, la directrice adjointe du centre hospitalier Simone Veil, en charge de la recherche, de l’innovation et du développement durable, est aux manettes depuis plus de dix ans et les pharmaciens de l’hôpital sont impliqués dans cette thématique. Une réflexion collective qui doit encore être amplifiée et qui devrait impliquer de plus en plus d’agents.

Président du syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé (Synprefh) et chef de service de la pharmacie du CH, le docteur Cyril Boronad est intervenu dans le cadre de la dernière journée organisée à Marseille par l’association des pharmaciens de l’industrie (API) sur le thème de l’organisation des pharmacies hospitalières dans les territoires.

Cyril Boronad

Sa pharmacie à usage intérieur a d’ailleurs été citée en exemple.  « La RSE vise à prendre soin de la planète, bien sûr, mais également, en ce qui nous concerne, à prendre soin des patients et des professionnels de santé, ainsi que plus largement du système de santé. À Cannes, une démarche RSE existe depuis plus de dix ans sous l’impulsion de Nathalie Ronzière. Ainsi, en 2020, notre maternité a été la première à être labellisée THQSE (Très Haute Qualité Sanitaire et Sociale), décrochant également l’année suivante le premier prix de l’ADH (Association des directrices et des directeurs d’hôpital) », expose Cyril Boronad.

Gérer différemment les MNU afin de sensibiliser le personnel

Le docteur Sylvie Chanton, pharmacienne PH au sein de la PUI, est moteur sur tous les sujets autour des produits de santé : « Depuis les années 2000, la réflexion a débuté concernant la gestion de l’élimination des échantillons des appels d’offres et des médicaments périmés. Nous faisons des pesées et nous suivons nos cumuls de MNU (Médicaments Non Utilisés) d’année en année, précise-t-elle, mais les procédures d’achats et les groupements évoluant, nous recevons moins d’échantillons, ce qui réduit d’autant la quantité de médicaments à détruire, ce qui un bon signe en faveur de l’environnement en réduisant les DASRI produits par la PUI ».

En matière de déchets, justement, une démarche a été entreprise auprès des services afin qu’ils traitent les médicaments à part, ni comme des DAOM, ni comme des DASRI. « Nous avons aussi cherché à récupérer les médicaments non utilisés dans les services de soin pour éviter qu’ils ne soient jetés dans les DASRI classiques et mélangés avec les vrais DASRI, poursuit Sylvie Chanton, des conteneurs spécifiques ont été mis en place pour permettre un traitement différencié, c’est-à-dire peser les MNU retournés à la PUI par unité de soin ». Des indicateurs permettent de suivre les volumes de médicaments collectés. « Ils sont importants, ajoute-t-elle, mais représentent cependant une faible part des DASRI générés par les services de soins ».

Utilisation de l’indice PBT

Sylvie Chanton

Par ailleurs, la pharmacie de Cannes utilise l’indice PBT (mis au point en Suède) qui quantifie lorsqu’il est disponible l’impact environnemental des médicaments (principes actifs) : « L’indice PBT prend en considération trois éléments, relève Sylvie Chanton, la persistance, la bioaccumulation et la toxicité d’une molécule dans les milieux aquatiques ». Le CH a intégré cet indice depuis 2015 au livret thérapeutique disponible sur intranet, mais, il est toujours en attente de l’inclure dans le logiciel de prescription. Faute de mise à jour de cette liste, les nouvelles molécules n’en bénéficient malheureusement pas encore ».

Est-ce l’une des raisons pour laquelle certains pharmaciens hospitaliers se posent des questions sur la pertinence de l’indice PBT ? À Cannes, Sylvie Chanton et Cyril Boronad ne le pensent pas. D’ailleurs, à ce sujet, ils s’interrogent : « Les industriels fournissent des données de l’impact de leurs molécules sur l’environnement lors du dossier de demande d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) mais les données sont rarement publiées ».

Mettre fin au gâchis

Néanmoins, pour une même classe thérapeutique, les indices PBT peuvent varier fortement : « Il conviendrait ainsi d’en tenir compte dans le cadre des choix des achats (GHT), mettent en avant Cyril Boronad et Sylvie Chanton, mais aussi lors de la prescription médicale, afin de privilégier les molécules ayant l’indice PBT le plus bas possible, disent-ils de concert, nous avons également été sollicités par l’équipe de la maternité pour choisir les gels lavant bébés les moins impactant, et nous sommes passés de dix produits en 2015 à un seul en 2019 ».

Un comité de pilotage développement durable pluridisciplinaire (une sous-commission de la CME) incluant tous les acteurs de l’hôpital a vu le jour en 2021. Une démarche “Green bloc” a ainsi pu être déployée. « Elle vise à renforcer le tri sélectif des déchets du bloc opératoire, relève Sylvie Chanton, de plus, à la fin de l’année dernière, nous avons entièrement supprimé le protoxyde d’azote, pourvoyeur très important de gaz à effet de serre, en proposant des alternatives thérapeutiques afin de réduire significativement le bilan carbone de l’établissement.  Enfin, au niveau des anesthésiques, nous avons réduit de façon drastique l’utilisation du Desflurane ». Un dispositif de capture des gaz halogénés sera bientôt mis en œuvre.

« Nous participons également à une étude observationnelle concernant le gaspillage médicamenteux au bloc opératoire, conclut Sylvie Chanton, il convient en effet de réduire le gâchis lié aux préparations à l’avance qui ne seront pas administrées. Quant à la question de l’usage unique versus réutilisable, il convient d’en décider en tenant compte de l’ensemble du cycle de vie des produits ». Autant dire que la RSE exige un travail collectif de l’ensemble d’un établissement, mais aussi de fortes implications individuelles, comme c’est le cas à Cannes avec Nathalie Ronzière, et à la PUI avec Sylvie Chanton et Cyril Boronad.

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