La cuisine expérimentale du CHU de Charleroi

Le CHU de Charleroi se lance dans une démarche audacieuse qui dépasse le recours aux simples denrées labellisées bio.  Sur les bords de la Sambre, on préfère parler de cuisine « agro-raisonnée » et de « nutri-écologie ». La différence ? Une production maison la plus maîtrisée possible dès le choix des matières premières. Et des analyses extrêmement poussées afin de vérifier qu’il n’existe plus de résidus de pesticides perturbateurs endocriniens dans les aliments, qu’ils soient bio ou non.

© ISPPC

L’Intercommunale de santé publique du Pays de Charleroi (ISPPC) regroupe les hôpitaux du CHU de Charleroi, trois maisons de repos et de soins, sept crèches ainsi qu’un vaste pôle enfance et adolescence. Le seul CHU est composé de quatre hôpitaux alignant 1 362 lits ainsi qu’une clinique dédiée aux soins ambulatoires. C’est au sein de ce vaste complexe qu’est née l’idée de créer une cuisine centrale capable de répondre aux besoins d’une population extrêmement diversifiée, comme nous le confie Philippe Gaspar, directeur de la restauration et chef de projet : « La Métropole de Charleroi est l’une des plus importante de Belgique, dit-il, elle compte 29 communes et pas moins de 650 000 habitants, mais avec des profils sociologiques très différents ».

Une cuisine citoyenne

Philippe Gaspar

En effet, cette métropole regroupe tout à la fois des ruraux et une population urbaine dont une partie est issue de quartiers défavorisés, avec un niveau de formation peu élevé et des faibles revenus. « Notre mission, c’est de servir des repas sains à des gens qui ne sont pas favorisés, souligne Philippe Gaspar, nous sommes des restaurateurs hospitaliers et devons conjuguer au quotidien restauration et diététique ». Cela vous semble un lieu commun ? Pas tant que ça, car tous ici ont une formation en restauration et en diététique. « C’est d’autant plus nécessaire qu’au CHU nous avons affaire à des consommateurs aux profils très variés, de zéro à cent ans ! ».

Une cuisine citoyenne. C’est ainsi qu’est présenté le projet de cuisine centrale 3.0 de l’ISPPC : « Au départ l’idée semble très simple, convient Philippe Gaspar, servir des repas sains en utilisant des process semi-industriels sans leurs dérives, cuisiner et recuisiner ! ». Mais ce ne sera pas une mince affaire, car la production de cette cuisine du futur va largement dépasser l’enceinte du CHU : « En période scolaire nous servirons quotidiennement 25 000 repas, dont 6 000 pour le centre hospitalier universitaire ».

Analyse des matières premières, bio compris

© ISPPC

Autant dire que les ambitions de l’ISPPC sont énormes : « Notre cuisine va servir de laboratoire scientifique, souligne Philippe Gaspar, l’Université Libre de Bruxelles dirige les travaux de recherche, et son directeur du laboratoire de médecine expérimentale, le Professeur Karim Zouaoui, qui va diriger notre laboratoire, sera également le coordinateur scientifique du projet ». Même les produits estampillés “bio” vont passer sous son microscope, à la recherche de 66 molécules différentes de résidus de pesticides perturbateurs endocriniens.

« En effectuant des analyses très avancées, nous nous sommes rendu compte que même certains laits bio étaient contaminés par des résidus de pesticides, déplore-t-il, nous analysons les matières premières, mais nous allons jusqu’aux produits finis ». Et de prendre l’exemple des emballages : « Nos recherches effectuées en laboratoire ont permis de constater qu’il n’y avait pas de migration avec les barquettes et les films en polypropylène que nous utilisons ».

Une cuisine agro-raisonnée

La “production maison” sera également le crédo de cette cuisine du futur. Là encore, nombreux d’établissements peuvent se targuer de mitonner leurs repas. Mais ont-ils leur propre moulin pour faire le pain ? Une hérésie ? Pas en tout cas pour Philippe Gaspar : « Nous n’utiliserons que les produits que nous aurons vérifié en amont, dit-il, par exemple sélectionner notre grain ». Mais l’étape meunerie ne peut être oubliée : « Si l’on veut être certain que la qualité du grain ne sera pas altérée, nous devons également maîtriser cette étape ».

À Charleroi, comme le montre Philippe Gaspar avec l’exemple du pain, tout doit être interconnecté : « Stocké dans des silos installés en amont, le blé va descendre la Sambre dans des navettes fluviales automatisées jusqu’au moulin de notre partenaire qui va s’installer à côté de la cuisine centrale ». Un modèle de circuit court.

Nutri-écologie

© ISPPC

Au moment où nous avons échangé, Philippe Gaspar rentrait de Bretagne où il est allé choisir un matériel.  Un exemple de  “nutri-écologie” : « Avec cette machine nous allons réaliser des omelettes, explique-t-il, l’œuf, c’est simple et pas cher, la poule n’est pas polluante et si on la nourrit correctement elle est plus riche en Omega 3 que le saumon ! ». Il est en train de valider ses matières premières et de construire sa feuille de route, celle qui servira de bible pour sa cuisine agro-raisonnée.

La future cuisine © ISPPC

Accompagné par ERM Project, un bureau d’études d’ingénierie cuisine, Philippe Gaspar fonctionne avec eux en mode projet : « C’est un réel partenariat, chacun dans son rôle ». Le rétroplanning a été établi au jour près, depuis le démarrage du projet, le 2 janvier 2021, jusqu’au début de la phase de test du matériel, le 1er décembre 2025. L’ensemble se développera sur pas moins de trois hectares ! La légumerie occupera 3 000 m2 et la cuisine 7 000. L’approche, qui fait rêver, nécessiterait d’en parler pendant des heures. Alors le plus simple, c’est de contacter Philippe Gaspar avant d’évoquer le sujet dans votre établissement.

Contact : philippe.gaspar@chu-charleroi.be

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