Coût environnemental : le casse-tête de la monétarisation

Promulguée en août, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique va imposer au moins un critère environnemental dans chaque marché. Le texte prévoit aussi la mise à disposition d’outils de calcul du cycle de vie pour les principaux segments d’achat. Avec une livraison en janvier 2025 au plus tard. Directeur finance responsable et achats de France Urbaine, Christophe Amoretti-Hannequin milite en faveur d’une concertation rapide entre les professionnels des trois fonctions publiques, sous l’égide de l’Etat.

 

© Epictura

« Ce n’est pas nouveau, peste un directeur des achats du sud de la France, c’est même une maladie typiquement française, on vote une loi mais personne ne sait comment on va l’appliquer ». En effet, le projet de loi Climat et résilience prévoit de systématiser la prise en compte de considérations environnementales dans les critères, spécifications et conditions d’exécution.

Certes, l’intégration systématique des considérations environnementales ou sociales n’interviendra que dans un délai maximal de cinq ans pour les marchés et de deux ans pour les concessions. Cependant, les acheteurs ont tout intérêt à prendre en considération le coût du cycle de vie d’un produit jusqu’au recyclage. À condition de résoudre un sérieux problème, celui de leur monétarisation sans risque juridique.

Chacun ne peut pas créer son propre référentiel

Cette question, Christophe Amoretti-Hannequin se la pose à voix haute : « C’est bien de parler de coût global, s’interroge le directeur « finance responsable et achats » de France Urbaine, l’association d’élus locaux, mais quelle méthodologie devons-nous suivre ? Et avec quels outils ? On n’évalue pas le coût du cycle de vie d’une fourniture sans qu’une méthode ne soit élaborée ».

Il l’explique sans détour, on ne peut pas valoriser les externalités environnementales sans risquer des contentieux si les outils et les référentiels sont différents selon qu’il s’agisse de collectivités ou de centres hospitaliers : « Chacun ne peut pas créer son propre référentiel, explique-t-il, il faut une uniformité, mais surtout travailler par segments de produits ».

Le besoin d’un outil universel

Christophe Hannequin

« Même si la philosophie est identique quel que soit le type de famille, les acheteurs ne peuvent pas dupliquer à l’identique selon qu’il s’agira de marchés de travaux, d’achat de véhicules, de meubles de bureau ou de photocopieurs, rappelle Christophe Amoretti-Hannequin, lorsque l’on évoque le coût global il faut impérativement raisonner par filière ».

Et sans outil labellisé l’exercice est complexe, voire impossible : « Quant à monétariser le coût du cycle de vie et valoriser les externalités c’est aujourd’hui impossible faute d’outils qui permettent de sortir des chiffres incontestables mettant les acheteurs à l’abri de procédures contentieuses ». Pour le directeur finance responsable et achats de France Urbaine, il conviendrait de créer un outil universel qui soit homologué par la DAJ : « Parce que si l’on veut que les outils soient mis à disposition rapidement, nous devons agir sans tarder ».

Les bases théoriques existent

Quand on lui demande si France Urbaine serait capable de créer ces référentiels, Christophe Amoretti-Hannequin se fait modeste, même si l’association d’élus pèse plus d’une centaine de collectivités regroupant pas loin de trente millions de citoyens : « Nous n’en avons pas la prétention ».

Selon lui, les bases de réflexion existent avec notamment la note sur le coût du cycle de vie rédigée par la DAJ et la DAE en mars 2016, et le guide “L’achat public : une réponse aux enjeux climatiques” édité par Bercy en octobre de la même année. D’un point de vue théorique, tout semble dit. Mais pour ce qui est de la réalisation de simulateurs qui puissent être opérationnels à court terme, aucune voie n’est tracée.

« Pour les acheteurs, le calculateur d’émission de gaz à effet de serre (GES) et de polluants générés par un transport de marchandises que propose le groupe Géodis peut servir de base de réflexion », indique-t-il. En effet, en indiquant le tonnage, le point de départ et la destination, on connaitra les émissions de GES générées selon le mode de transport choisi. « La piste est intéressante mais, pour les acheteurs, le problème reste entier : comment valoriser les externalités environnementales ? ».

L’État doit être à la manœuvre

Pour lui, pas d’autre solution pour lui qu’organiser sans attendre un tour de table : « Si nous voulons pouvoir disposer rapidement des outils nécessaires au calcul du cycle de vie des produits que nous achetons, l’État doit prendre l’initiative et réunir autour d’une même table, sous l’égide de la DAJ, par exemple, les représentants des différentes filières et les acheteurs des trois fonctions publiques ».

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